COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°568)
Vendredi 20/04/07
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Dans ce numéro
1.- LA FACE CACHÉE DU CO-DÉVELOPPEMENT
Par Nicolas Sersiron, vice-président du CADTM France
(http://www.cadtm.org) et Damien Millet, président du CADTM France,
auteur de L’Afrique sans dette, CADTM/Syllepse, 2005.
2. - LA BANQUE MONDIALE CONTRE L’EDUCATION AU NIGER
Par Moussa Tchangari, directeur de l’Association Alternative Espaces
Citoyens, basée à Niamey au Niger. (http://www.alternatives.ca)
3.- DÉCLARATION FINALE DU FORUM SOCIAL DU BURKINA
4.- DÉCLARATION DE NYÉLÉNI
5.- APRES LA GUERRE, LA PRIVATISATION DU PÉTROLE ?
Par Adam Novak (Alternatives Quebec).
6.- DE LA CENSURE ET DE L’INFORMATION À DESTINATION DU PEUPLE
Par Denis Robert, écrivain
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1.- LA FACE CACHÉE DU CO-DÉVELOPPEMENT
Par Nicolas Sersiron, vice-président du CADTM France
(http://www.cadtm.org) et Damien Millet, président du CADTM France,
auteur de L’Afrique sans dette, CADTM/Syllepse, 2005.
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Chez les principaux candidats à l’élection présidentielle française,
l’expression fourre-tout du « co-développement » fait florès. Pourtant,
le terme est particulièrement discutable : en quoi ce co-développement
diffère-t-il de l’aide au développement, qui appartient elle-même à la
pensée néocoloniale ? Car comme l’a écrit l’historien burkinabè Joseph
Ki-Zerbo : « On ne développe pas, on se développe. » Les peuples
africains sont privés de leurs propres richesses au profit d’une
minorité qui s’enrichit démesurément, tant au Nord que sur le continent
noir, et toute forme de développement est impossible dans ces conditions.
La plus belle ambition internationale d’un candidat à l’élection
présidentielle française ne serait-elle pas de permettre aux populations
africaines d’enclencher le développement qu’elles auraient elles-mêmes
choisi, en faisant en sorte que, débarrassées du fardeau de la dette,
elles disposent enfin des leviers de décision ? Dans ce cas, seulement
pourront émerger un réel espoir d’une vie meilleure dans leur pays et la
dignité qui leur est refusé depuis des siècles. Les solutions pour
permettre aux peuples du Sud de construire un avenir plus juste sont
connues.
L’annulation immédiate de toutes les dettes extérieures publiques, dont
une grande part est illégitime et odieuse, rendrait possible la fin de
la domination subie avec une si grande violence par les populations
africaines, notamment les plus démunies. Asphyxiés par le remboursement
de la dette, qui représente très souvent plus du tiers du budget, et par
la captation des richesses par des dirigeants peu scrupuleux au service
des grandes puissances, les Etats africains sont donc privés des moyens
financiers de garantir les droits humains fondamentaux pour leurs
populations.
Un audit des créances de la France sur ces pays, réalisé par le
gouvernement français avec la participation des mouvements sociaux,
permettrait de savoir à qui ont profité les sommes prêtées. Celles ayant
servi à corrompre des dirigeants africains (et à rétro-corrompre
certains responsables politiques français), à réprimer des populations
en quête de justice et de démocratie, à enrichir des sociétés
transnationales ou à élaborer des projets pharaoniques pour le profit de
dirigeants mégalomaniaques et d’entreprises amies soutenues par la
France sont nulles et non avenues d’un point de vue juridique.
Les paradis fiscaux sont au cœur du dispositif, permettant une évasion
facile de capitaux ainsi soustraits à l’impôt, ici comme ailleurs. Des
centaines de milliards de dollars, qu’ils aient été acquis illégalement
ou non, sont dissimulés dans ces trous noirs de la finance qui sont
moralement injustifiables. Ces paradis fiscaux sont à nos portes
(Monaco, Andorre, Luxembourg, Suisse, City de Londres et tant d’autres)
et le gouvernement français peut très facilement, si la volonté
politique existe, porter le combat contre ce scandale qui dépossède la
majorité des humains.
La France, quatrième actionnaire de la Banque mondiale et du FMI,
pourrait utiliser son pouvoir au sein de ces institutions pour placer
ces questions au cœur du débat public et promouvoir un changement
radical de ces deux institutions-clés, au bénéfice des plus démunis.
Actuellement, les conditionnalités qu’elles imposent à ces pays
empêchent les Etats du Sud de mener une politique orientée vers
l’amélioration des conditions de vie de leurs populations. Cette forme
de colonisation économique, qu’on a osé appeler « bonne gouvernance » et
dont les dirigeants du Sud sont complices, prend différentes formes qui
frappent de plein fouet les populations pauvres :
- l’ouverture des frontières aux sociétés transnationales qui
s’approprient une grande part des richesses naturelles africaines et
rapatrient leurs bénéfices en ne laissant en Afrique qu’inégalités et
désastres écologiques. Une taxe sur les bénéfices de ces sociétés et sur
les transactions financières internationales pourrait s’attaquer aux
inégalités les plus flagrantes du modèle économique dominant ;
- le « tout à l’exportation », imposé par les créanciers, au détriment de
l’agriculture vivrière, pour rembourser cette dette dont le montant n’a
plus aucune réalité économique. Les nouveaux prêts servent le plus
souvent à rembourser les anciens… Si l’on sait que la moitié de la
population africaine vit avec moins de 2 dollars par jour, on sait moins
que 70% de ces personnes vivent dans les campagnes et sont les premières
touchées par la sous-alimentation.
- la disparition imposée de toute barrières douanières de protection pour
l’agriculture des pays du Sud alors que les productions européennes sont
largement subventionnées et particulièrement polluantes. Elles arrivent
sur les marchés africains à des prix inférieurs à ceux des productions
locales, empêchant les petits paysans – du Sud mais aussi du Nord
d’ailleurs – de vivre dignement de leur travail. La France pourrait
promouvoir à l’échelle internationale un commerce plus équitable et une
agriculture paysanne, visant avant tout à la souveraineté alimentaire de
tous les pays.
L’annulation totale et inconditionnelle de la dette des pays du Sud, un
mécanisme de répartition équitable de la richesse, la suppression des
paradis fiscaux et une autre architecture financière internationale
seraient de nobles combats pour une France qui aujourd’hui prend toute
sa part dans le puissant mécanisme d’oppression en place. Question
secondaire lors d’une campagne présidentielle, nous direz-vous ? Rien de
plus faux ! Prétendre gouverner demain la France dans le respect des
valeurs de justice reconnues par le droit international sans vouloir
rompre avec la logique néolibérale actuelle ne peut être qu’une erreur
politique majeure.
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2. - LA BANQUE MONDIALE CONTRE L’EDUCATION AU NIGER
Par Moussa Tchangari, directeur de l’Association Alternative Espaces
Citoyens, basée à Niamey au Niger. 4 avril 2006 (Article tiré du site
d’Alternatives : http://www.alternatives.ca)
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Vaste pays d’Afrique de l’Ouest, le Niger est l’une des victimes
emblématiques des politiques d’ajustement structurel conduites par les
institutions financières internationales. Sous l’impulsion de ces
dernières, la pauvreté et la misère ont enregistré un bond prodigieux en
l’espace d’une vingtaine d’années. Les services publics, que ce soit en
matière de santé ou d’éducation, ne sont plus assurés correctement.
Depuis le début des années 1980, la part des dépenses publiques
consacrées à ces secteurs ne fait que décliner, alors que le service de
la dette extérieure engloutit une part importante du budget de l’État.
À la faveur des accords d’ajustement structurel passés avec les autorités
nigériennes, la Banque mondiale est devenue l’unique maître d’œuvre de
la politique éducative du pays. L’école publique a été mise sous coupe
réglée par les experts de ces institutions et leurs acolytes locaux :
réduction de l’enveloppe des bourses et allocations aux étudiants et
élèves, privatisation des œuvres universitaires (cantine, résidence et
transport), remplacement progressif des enseignants professionnels par
des contractuels sous-payés, arrêt du recrutement des jeunes diplômés
dans la fonction publique, rehaussement des frais d’inscription des
étudiants, etc.
Aujourd’hui, deux enfants nigériens sur trois ne vont pas à l’école,
alors que 80% de la population ne sait ni lire ni écrire. Au primaire, à
peine 32% des élèves réussissent à l’examen final de fin de cycle,
tandis qu’au secondaire, sur 1000 élèves qui y entrent, à peine 160
sortent avec leur diplôme de premier cycle sans redoublement. Seul 1%
des enfants ont accès à l’enseignement préscolaire, largement dominé par
le secteur privé. Les frais de scolarité annuels demandés aux parents
varient de 15 $ dans le public à près de 1000 $ dans le privé.
Selon les statistiques officielles du gouvernement nigérien, les enfants
issus des milieux ruraux pauvres ont moins de chance d’aller à l’école
que ceux vivant dans les centres urbains. La politique éducative dictée
par la Banque mondiale renforce non seulement les inégalités sociales
entre les centres urbains et les campagnes, mais aussi entre les filles
et les garçons. En 1999-2000, les filles ne représentaient que 39% des
effectifs scolarisés, ce qui correspond à un taux de scolarisation de
27%. Si la tendance actuelle se maintient, la majorité des filles
nigériennes vont rester analphabètes pendant des décennies encore.
Si le problème de l’accès à l’école demeure important, il faut souligner
que le chômage endémique des jeunes diplômés est encore plus
préoccupant. À l’heure actuelle, le Niger compte des milliers de
diplômés sans perspectives réelles d’emploi, alors que le pays a
cruellement besoin de cadres dans tous les domaines. Après avoir passé
plus de vingt ans de leur vie sur les bancs de l’école, les jeunes
diplômés n’ont droit à aucun emploi digne de ce nom. Seuls les plus
chanceux d’entre eux ont droit au service civique national ou peuvent
devenir « volontaires de l’éducation » - des contractuels sous-payés qui
remplacent progressivement les enseignants -, des formes honteuses
d’exploitation de la jeunesse.
Stigmatisée dans les années 1960 comme l’anti-chambre du fonctionnariat,
l’école nigérienne est devenue aujourd’hui l’anti-chambre du chômage.
Les produits de cette école ne parviennent pas à s’insérer dans le tissu
social et économique pour deux raisons essentielles. La première, c’est
que l’État, principal employeur potentiel, ne veut plus recruter,
conséquence des critères de discipline budgétaire imposés par le Fonds
monétaire international et par l’Union économique et monétaire
ouest-africaine. La seconde, c’est que la formation dispensée par les
écoles n’est pas adaptée aux réalités sociales et économiques, et les
filières qui peuvent déboucher sur des emplois sont strictement
contrôlées par le privé.
Face à cette situation, plusieurs organisations de la société civile
nigérienne ont décidé d’engager une lutte résolue pour la défense de
l’école publique. Elles s’insurgent notamment contre la politique dite
de partage des coûts de l’éducation instituée par la Loi d’orientation
du système éducatif, une loi scélérate qui symbolise la renonciation de
l’État du Niger à son devoir d’éduquer.
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3.- DÉCLARATION FINALE DU FORUM SOCIAL DU BURKINA
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Le premier forum social du Burkina Faso a eu lieu du 28 au 30 mars 2007 à
l’ENEP (Ecole Nationale des Enseignants du Primaire) de Loumbila (près
de Ouagadougou). Ce forum a été préparé depuis le 6 mai 2006 par une
trentaine d’associations du Burkina Faso. Pendant 3 jours, il a
rassemblé 750 personnes de plus de 150 associations avec des délégations
de France, du Canada, de Belgique, d’Espagne, d’Italie, de Cuba, du
Bénin, du Niger, du Mali et de toutes les régions du Burkina Faso.
Après avoir travaillé dans 3 panels, 34 ateliers, 2 conférences
populaires, les participants à ce forum ont retenu quelques
recommandations qu’ils souhaitent transmettre à tous ceux qui se sentent
interpellés par les situations d’injustice profonde engendrées par la
mondialisation néo-libérale. Bien sûr, tout ne peut pas être dit ici,
nous avons retenu quelques points essentiels dans lesquels les
participants sauront reconnaître leurs propres mots.
Nous, participants au premier forum social du Burkina,
- Nous refusons les politiques néolibérales qui ne cessent de creuser les
écarts entre nations riches et nations pauvres, entre riches et pauvres
dans une même nation… et dont on nous fait croire qu’elles sont le seul
modèle économique possible.
- Nous refusons la concentration des richesses et des pouvoirs aux mains
de quelques multinationales et de quelques Etats au détriment de le
majorité des populations et de l’avenir de notre planète. Cette
domination exercée par une minorité sur l’ensemble est intolérable.
- Nous refusons le désengagement total de l’Etat des services sociaux de
base nécessaires à la cohésion sociale et à la solidarité (santé,
éducation, eau, communications,…). Le droit à l’eau, en particulier dans
notre pays, doit devenir un droit humain effectif et devenir l’affaire
de tous.
- Nous refusons les privatisations, telles qu’elles sont faites, car
elles sont une spoliation des richesses nationales et un abandon du
service public.
- Nous refusons les accords commerciaux inéquitables tels qu’ils sont
dans le TEC (Tarif douanier = Tarif Extérieur Commun) actuel et dans les
APE (Accords de Partenariat Economique) tels que l’Union Européenne veut
nous les imposer (et dont les populations dûment informées ne veulent
pas).
- Nous refusons la destruction de notre agriculture qui va en résulter et
dont vit pourtant 80% de notre population aujourd’hui.
- Nous refusons toute violation des droits humains dans nos pays et nous
demandons à nos dirigeants d’oeuvrer pour la paix : trop de guerres, de
réfugiés, de déplacés hypothèquent notre développement.
- Nous refusons toute exclusion, quelle qu’elle soit.
Nous, participants au premier forum social du Burkina,
- Nous réaffirmons l’urgence d’une politique agricole qui prenne
pleinement en compte la souveraineté alimentaire.
Que nos Etats de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique
de l’Ouest) rehaussent dès maintenant le TEC (Tarif Extérieur Commun) en
y introduisant une bande tarifaire à hauteur de 50% pour la protection
de nos produits agricoles sensibles (graines de coton, tomate, lait,
riz, viande…) dès maintenant et donc avant de commencer la négociation
finale sur les APE (Accords de Partenariat Economique) . (Pour éviter de
voir nos pays inondés par les sous produits des agricultures
subventionnées d’ailleurs…)
Nous nous engageons à changer nos comportements pour consommer nos
produits locaux et soutenir ainsi notre agriculture.
Nous invitons les Organisations Paysannes à proposer à tous les candidats
(maires, députés, président) de s’engager sur quelques mesures
importantes pour le développement de notre agriculture et pour une
meilleure prise en compte de notre agriculture et de nos populations
rurales.
Que les Organisations Paysannes ne s’alignent pas sur les seules
politiques gouvernementales, mais défendent réellement les intérêts des
paysans.
Nous souhaitons que nos Etats délivrent aux producteurs des titres
fonciers qui puissent assurer la sécurité et la stabilité de notre
production agricole, en surtaxant l’agrobusiness et les opérations
spéculatives.
Qu’en ce domaine, il y ait une réelle égalité d’accès à la terre pour
tous, hommes et femmes, et que les femmes puissent en hériter.
- Concernant les OGM (Organismes Génétiquement modifiés), nous demandons
la révision de la mise en œuvre du protocole de Carthagène, la
sensibilisation des populations à la base, et la concertation entre
chercheurs sur les OGM pour mieux mesurer les risques réels et mettre en
oeuvre le principe de précaution. Nous demandons que cesse immédiatement
le chantage sur les producteurs de coton qui refusent la culture des OGM
et leur imposition par les autorités dans notre pays.
- Concernant la dette injuste qui accable nos pays, nous demandons
qu’elle soit reconvertie intégralement en programmes de développement à
la base – et avec des mécanismes de contrôle transparents et accessibles
à tous par une information régulière.
- Concernant les OMD (Objectifs du Millénaire du Développement) et
l’accès aux services sociaux de base, nous constatons avec tristesse que
les objectifs sont loin d’être atteints, car les choix politiques
actuels , la formulation et l’exécution des projets ne sont pas
transparents.
- Concernant les mutuelles, nous souhaitons en encourager toutes les
formes qui permettent aux populations de décider elles-mêmes de leurs
priorités, de leurs manières de les gérer et de se les approprier. Nous
souhaitons que les services publics nous y encouragent.
- Concernant la santé, nous souhaitons que toutes les régions du pays
soient également couvertes et bénéficient des mêmes avantages que la
capitale.
- Concernant l’éducation, nous demandons l’arrêt immédiat de
l’application des P.A.S. (Plans d’Ajustement Structurel) ; que l’école
soit obligatoire et gratuite jusqu’à l’âge de 16 ans, que soit relevé le
niveau de vie des enseignants et apprenants, que l’éducation non
formelle soit encouragée et développée.
- Concernant les communications, nous demandons : « Un village, un
téléphone avant 2015 »
- Concernant l’environnement, nous recommandons qu’il soit mieux pris en
compte dans la pratique et l’élaboration de nos politiques pour des
pratiques plus respectueuses de notre environnement : reboisement,
agriculture biologique, éducation, exploitations minières mieux
encadrées, sachets plastique noirs à proscrire, assainissement et
viabilisation dans les villes.
- Concernant les OSC (Organisations de la Société Civile), nous pensons
qu’il est urgent et important qu’un cadre légal soit défini pour elles
et qu’elles puissent être associées de plus en plus, selon leurs
compétences, aux prises de décision qui engagent la vie du pays.
Qu’elles puissent aller en justice pour défendre leurs intérêts et ceux
de leurs membres. Nous demandons qu’une attention particulière soit
portée à la transparence dans la gestion financière et à la
représentativité pour l’obtention des financements.
- Concernant la corruption et la bonne gouvernance, nous demandons aux
personnalités de l’Etat et de l’administration de se soumettre à la loi
commune de l’Etat de droit faite pour tous : que chacun paie ses
factures, renonce aux pratiques de corruption et de pots de vin, etc.
Que l’égalité de droits et de devoirs entre tous les membres de la
société soit respectée. Que l’Etat soit garant de la justice et de la
bonne gouvernance (exploitation, torture, exécutions extrajudiciaires…)
Que la liberté de presse soit renforcée (dépénalisation des délits de
presse). Que la liberté d’association et d’expression soit améliorée.
Il faut parler beaucoup de la corruption parce qu’elle se répand partout.
Nous recommandons tout particulièrement :
- L’arrêt des retenues sur les frais inexplicables au niveau du coton.
- Des pétitions de parents d’élèves pour réduire les frais scolaires
abusifs.
- Des alliances avec nos voisins pour réduire les fraudes douanières.
- L’implication des associations aux journées de lutte anti-corruption.
- Possibilité pour tous d’accéder à un logement décent.
- Retour à nos valeurs cardinales pour rééduquer les jeunes.
Après le temps fort de ce forum, nous, Organisations de la Société Civile
au BURKINA présentes à Loumbila, prenons l’engagement de nous retrouver
à un rythme à préciser, pour faire le point des mises en œuvre de cette
déclaration finale, pour continuer à renforcer nos réseaux associatifs
et avancer dans notre réflexion et nos luttes.
Nous réaffirmons notre opposition aux politiques néo-libérales, aux
institutions financières internationales qui nous écrasent.
Nous sommes solidaires de tous ceux qui luttent pour leur dignité, leurs
intérêts matériels et moraux, en organisant des forums, en informant les
populations à la base, en organisant des marches légales et
non-violentes, en disant « non » aux politiques inadmissibles qui nous
écrasent, en étant solidaires de ceux qui souffrent et qui sont
exclus,... en nous appropriant nos vies dans une logique où ce n’est
plus la puissance financière qui nous domine, mais dans une logique où
l’homme et la femme sont remis au centre !
Oui, un autre monde est possible,
Oui, une autre Afrique est possible, unie et forte,
Oui, un autre Burkina est possible, moins corrompu, plus juste, plus
solidaire !
Les participants au forum
Plus d’information : http://www.forumsocialburkina.info
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4.- DÉCLARATION DE NYÉLÉNI
Sélingué, Mali
28 février 2007
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Nous, plus de 500 représentants de plus de 80 pays, d’organisations de
paysans, de pêcheurs traditionnels, de peuples autochtones, de peuples
sans terre, de travailleurs ruraux, de migrants, d’éleveurs nomades, de
communautés habitant les forêts, de femmes, de jeunes, de consommateurs,
de mouvements écologistes et urbains, nous sommes réunis dans le village
de Nyéléni à Sélingué, au Mali, afin de renforcer le mouvement mondial
pour la souveraineté alimentaire. Nous le faisons brique par brique, en
vivant dans des cases construites à la main dans le respect de la
tradition locale et en consommant des aliments produits et préparés par
la communauté de Sélingué… Nous avons baptisé notre démarche collective
« Nyéléni », en hommage à une légendaire paysanne malienne qui nous a
inspiré, une femme qui a remarquablement cultivé les terres et nourrit
les siens.
La plupart d’entre nous sommes producteurs et productrices alimentaires
et sommes prêts, capables et désireux de nourrir les peuples du monde.
Notre patrimoine en tant que producteurs alimentaires est crucial pour
l’avenir de l’humanité. Cela vaut particulièrement pour les femmes et
les peuples indigènes, créateurs historiques de savoirs alimentaires et
agricoles, qui sont sous-estimes. Cependant, ce patrimoine et nos
capacités à produire des aliments sains, de qualité et en abondance se
voient menacés, sapés, par le néolibéralisme et le capitalisme mondial.
La souveraineté alimentaire nous donne l’espoir et le pouvoir de
préserver, de récupérer et développer notre savoir et capacité de
production alimentaire.
La souveraineté alimentaire est le droit des peuples à une alimentation
saine, dans le respect des cultures, produite à l’aide de méthodes
durables et respectueuses de l’environnement, ainsi que leur droit à
définir leurs propres systèmes alimentaires et agricoles. Elle place les
producteurs, distributeurs et consommateurs des aliments au cœur des
systèmes et politiques alimentaires en lieu et place des exigences des
marchés et des transnationales. Elle défend les intérêts et
l’intégration de la prochaine génération. Elle représente une stratégie
de résistance et de démantèlement du commerce entrepreneurial et du
régime alimentaire actuel. Elle donne des orientations pour que les
systèmes alimentaires, agricoles, halieutiques et d’élevage soient
définis par les producteurs locaux. La souveraineté alimentaire donne la
priorité aux économies et aux marchés locaux et nationaux et fait primer
une agriculture paysanne et familiale, une pêche traditionnelle, un
élevage de pasteurs, ainsi qu’une production, distribution et
consommation alimentaires basées sur la durabilité environnementale,
sociale et économique. La souveraineté alimentaire promeut un commerce
transparent qui garantisse un revenu juste a tous les peuples et les
droits des consommateurs a contrôler leurs aliments et leur
alimentation. Elle garantit que les droits d’utiliser et de gérer nos
terres, territoires, eaux, semences, bétail et biodiversité soient aux
mains de ceux et celles qui produisent les aliments. La souveraineté
alimentaire implique de nouvelles relations sociales, sans oppression et
inégalités entres les hommes et les femmes, les peuples, les groupes
raciaux, les classes sociales et les générations.
À Nyéléni, lors des multiples débats et échanges, nous approfondissons
notre compréhension collective de la souveraineté alimentaire et avons
pris conscience de la réalité des luttes de nos mouvements respectifs
pour conserver leur autonomie et recouvrer leurs pouvoirs. Nous
connaissons désormais mieux les instruments nécessaires pour bâtir notre
mouvement et promouvoir notre vision collective.
Pourquoi nous battons-nous ?
Un monde où …
… où tous les peuples, nations et états puissent définir leurs propres
systèmes et politiques de production alimentaire, garantissant à chacun
d’ entre nous une alimentation de qualité, appropriée, abordable, saine
et respectueuse de la culture
… où le rôle et les droits des femmes dans la production alimentaire
ainsi que la représentation des femmes au sein de tous les organes
directeurs soient reconnus et respectes
… où tous les peuples de tous nos pays puissent vivre dignement, obtenir
une rémunération décente pour leur labeur et aient la possibilité de
rester chez eux
… où la souveraineté alimentaire est considérée comme un droit humain
fondamental, reconnu et respecté par les communautés, les peuples, les
états et les organes internationaux
… où nous puissions préserver et réhabiliter les milieux ruraux, les
réserves halieutiques, le paysage et les traditions alimentaires
reposant sur une gestion durable et respectueuse de l’environnement, des
terres, sols, eaux, mers, semences, bétail et autre biodiversité ;
… où nous reconnaissons, apprécions à sa juste valeur et respectons notre
diversité de savoirs, d’ aliments, de langues et de cultures
traditionnels et la façon dont nous nous organisons et faisons entendre
notre voix ;
… où existe une véritable réforme agraire intégrale qui garantisse aux
paysans tous les droits sur leurs terres, qui défende et récupère les
territoires des peuples autochtones, assure aux communautés de pêcheurs
l’accès et le contrôle de leurs zones de pêche et écosystèmes, honore
l’accès et le contrôle des pâturages et des voies migratoires,
garantisse un travail décent pour une rémunération juste ainsi que les
droits de tous les travailleurs et un avenir à la jeunesse dans les
campagnes. ;
… où la réforme agraire revitalise l’interdépendance entre producteurs et
consommateurs, assure la survie de la communauté, la justice économique
et sociale, la pérennité écologique ainsi que l’autonomie et la
gouvernance locales, dans le respect des droits égaux entre les hommes
et les femmes,
…où le droit au territoire et à l’autodétermination des peuples est
garanti.
… où nous partageons pacifiquement et équitablement nos territoires entre
nos peuples, que nous soyons paysans, communautés autochtones, pêcheurs
traditionnels, pastoralistes, etc.
…où, dans le cas de catastrophes naturelles et provoquées par l’homme et
de situations post-conflit, la souveraineté alimentaire soit une «
assurance » qui renforce les initiatives de reconstruction locale et
atténue les répercussions négatives. Où nous gardons à l’esprit que les
communautés touchées ne sont pas désespérées et où les organisations
locales et fortes d’aide à l’entraide sont au cœur de la reconstruction.
…où le pouvoir des peuples à prendre des décisions relatives à leurs
patrimoines matériels, naturels et spirituels soit défendu.
Contre quoi nous battons-nous ?
L’impérialisme, le néolibéralisme, le néocolonialisme et le patriarcat
ainsi que tous les systèmes qui appauvrissent la vie, les ressources et
les écosystèmes mais aussi leurs promoteurs, tels que les institutions
financières internationales, l’Organisation Mondiale du Commerce, les
accords de libre échange les multinationales et les gouvernements
ennemis des peuples.
Le dumping d’aliments à des prix inférieurs aux coûts de production dans
l’économie mondiale.
La domination de nos systèmes alimentaires et agricoles par les
multinationales qui font prévaloir les profits sur les peuples, la santé
et l’environnement.
Les technologies et les pratiques qui minent nos capacités futures de
production alimentaire, nuisent à l’environnement et mettent en péril
notre santé. Entendons par là les cultures et les animaux transgéniques,
la technologie terminator, l’aquaculture industrielle et les pratiques
halieutiques destructives, la soi-disant révolution blanche des
pratiques laitières industrielles, l’« ancienne » et la « nouvelle »
révolution verte et les « déserts verts » des monocultures industrielles
d’agrocarburants et autres plantations.
La privatisation et marchandisation des aliments, des services publics et
de base, du savoir, de la terre, de l’eau, des semences, du bétail et de
notre patrimoine naturel
Les modèles et projets de développement et l’industrie d’extraction qui
déplacent les peuples et détruisent l’environnement et notre patrimoine
naturel ;
Les guerres, les conflits, les occupations, les embargos économiques, les
famines, les déplacements forces des peuples et la confiscation de leurs
terres, ainsi que toutes les forces et gouvernements qui sont à leur
origine et les appuient ; les programmes de reconstruction a la suite de
conflits et de catastrophes naturelles qui détruisent nos environnements
et nos capacités
La criminalisation de tous ceux qui luttent pour protéger et défendre nos
droits ;
L’aide alimentaire qui cache le dumping, introduit des OGM dans notre
environnement et systèmes alimentaires locaux et crée un nouveau
colonialisme, l’internationalisation et mondialisation des valeurs
paternalistes et patriarcales marginalisant les femmes, les diverses
communautés agricoles, autochtones, pastorales et de pêcheurs dans le
monde ;
Que pouvons-nous faire ?
Tout en travaillant avec la communauté locale a Selinge pour créer un
espace de rencontre a Nyeleni, nous nous engageons a développer notre
mouvement collectif pour la souveraineté alimentaire en passant des
alliances, en appuyant nos luttes respectives et en offrant notre
solidarité, forces et créativité aux peuples du monde entier qui luttent
pour la souveraineté alimentaire. Toute lutte, en tout lieu du monde,
pour la souveraineté alimentaire, est notre lutte.
Nous avons abouti à plusieurs actions collectives afin de partager notre
vision de la souveraineté alimentaire avec tous les peuples de cette
terre, actions qui sont reprises dans notre document de synthèse. Nous
mettrons ces actions en œuvre dans nos zones locales et régions
respectives, au sein de nos mouvements et conjointement avec les autres,
de façon solidaire. Nous partagerons notre vision et plan d’action pour
la souveraineté alimentaire avec ceux qui peuvent être ici avec nous a
Nyeleni, de sorte que l’esprit de Nyeleni se répande dans le monde et
devienne la force puissante qui fera de la souveraineté alimentaire une
réalité pour tous les peuples du monde.
Enfin, nous apportons notre soutien inconditionnel et inébranlable aux
mouvements paysans du Mali et au ROPPA pour répondre a leur souhait que
la souveraineté alimentaire devienne une realite au Mali et par
extension dans toute l’Afrique
L’heure de la souveraineté alimentaire est venue !
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5.- APRES LA GUERRE, LA PRIVATISATION DU PÉTROLE ?
Par Adam Novak (Alternatives Quebec), 30 mars 2007
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La clé de voûte de la stratégie américaine en Irak semble en bonne voie
d’être complétée. Une nouvelle loi du gouvernement irakien pourrait
bientôt placer l’extraction, le raffinage et la vente du pétrole entre
les mains d’une poignée de multinationales américaines ou britanniques.
Et la vive opposition des syndicats et des mouvements sociaux en Irak
survient peut-être trop tard.
Le ministre irakien du pétrole, Hussein al-Shahristani a confié à
l’agence de presse Reuter que seules les multinationales occidentales
possèdent la technologie, l’expérience et les capacités financières
colossales – entre 20 et 30 milliards de dollars – pour moderniser
l’industrie pétrolière en Irak. Mais pour leur donner le champ libre, il
lui faut trouver un moyen de contourner la Constitution irakienne, qui
prévient la vente des ressources pétrolières du pays à des intérêts
étrangers. Ce sera peut-être chose faite avec le projet de loi sur les
hydrocarbures, dont certaines dispositions pourraient autoriser les
compagnies américaines et irakiennes à signer des contrats secrets leur
permettant de faire main basse sur le pétrole irakien.
Les compagnies étrangères choisies disposeraient d’un accès privilégié à
une série de zones d’extraction pétrolière pour une durée de 25 ans.
Mieux, elles payeraient moins de 10 % de redevances à l’État, tout en
pouvant conserver tous les profits. Une véritable aubaine, qui ne serait
assortie d’aucune obligation d’employer des Irakiens ou de maintenir
dans le pays des activités générant d’importantes retombées économiques,
comme le raffinage et la mise en marché. De plus, les multinationales
pourraient édicter leurs propres normes en matière de santé, de sécurité
au travail ou de protection de l’environnement sur « leurs » champs de
pétrole. Au diable les lois irakiennes.
Le Parlement irakien ne serait pas tenu informé des contrats qui seront
signés. Et les différends qui ne manqueront pas de surgir entre le
gouvernement et les compagnies étrangères devront être tranchés par les
mécanismes d’arbitrage internationaux. Surtout pas par les tribunaux
irakiens. Aucun autre pays du Moyen-Orient, même parmi les alliés
inconditionnels des États-Unis dans le Golfe, n’avait encore cédé de
manière aussi massive sa souveraineté sur une ressource naturelle aussi
stratégique.
L’aide au service de la privatisation
L’Irak possède la troisième réserve de pétrole en importance du monde. De
plus, son pétrole se révèle généralement de très grande qualité, en plus
d’être relativement facile à extraire. Et pourtant, en définitive, le
pays pourrait en retirer un prix inférieur à ce que le Canada obtient
pour le pétrole extrêmement coûteux à extraire et à raffiner des sables
bitumineux de l’Athabasca. Pire, si le gouvernement parvient à atteindre
son objectif de faire passer sa production de 1,6 millions de barils par
jour à cinq millions de barils par jour, les quelques multinationales
chanceuses pourraient réussir à pomper les réserves irakiennes jusqu’à
la dernière goutte avant la fin des contrats de 25 ans.
Sans compter que l’afflux du pétrole irakien sur le marché international
briserait le pouvoir de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole
(OPEP) et de pays comme l’Iran ou le Venezuela, qui tentent de freiner
la production mondiale pour maintenir les prix relativement élevés. Le
Parlement irakien a examiné pour la première fois le projet de loi sur
les hydrocarbures il y a quelques semaines. Mais les articles cruciaux
du projet relèvent d’un plan stratégique mis sur pied bien avant
l’invasion de l’Irak, et raffinés depuis par des experts britanniques et
américains, qui servent souvent de conseillers auprès des ministères
irakiens du Pétrole ou de la Planification.
Selon le quotidien The Independent, le gouvernement britannique a même
puisé dans son budget destiné à l’aide internationale pour payer
l’Institut Adam Smith et d’autres think tanks de droite qui étaient
chargés de « restructurer » certains ministères devant assurer la
privatisation. « Le Fonds monétaire international a même fait de
l’adoption d’une loi déréglementant les hydrocarbures une condition pour
annuler environ 6 % de la monstrueuse dette de l’Irak », s’est indigné
l’hebdomadaire américain The Nation.
La plupart des Irakiens sont bien trop occupés à tenter de survivre pour
prendre note des transformations massives que prépare « leur »
gouvernement. Les médias irakiens, qui reflètent le plus souvent les
points de vue sectaires de politiciens ou d’hommes d’affaires en vue,
ont fait dévier les débats sur d’autres questions. Par exemple, ils se
sont beaucoup demandé si ce sont les provinces ou le gouvernement
central qui devraient signer les contrats d’exploitation pétrolière. Ou
encore, ils ont beaucoup discuté de la représentation des diverses
communautés ethniques et religieuses au sein des différentes commissions
gouvernementales qui doivent superviser le processus. Peu importe. Les
multinationales sont toujours présentées comme des partenaires
incontournables et indispensables.
Une rare unanimité
Contre toute attente, dans un rare élan d’unité, les principaux syndicats
irakiens ont forcé le gouvernement à reporter sa loi, dont les
États-Unis espéraient l’adoption durant l’année 2006. Les syndicats ont
fait valoir que la privatisation du pétrole constituait une ligne rouge
qu’aucun gouvernement irakien n’avait osé franchir depuis l’expulsion
d’une nuée de compagnies britanniques et américaines, au moment de
l’indépendance du pays. « Le pétrole doit demeurer une ressource
nationale, (...) partout où cela est possible, a expliqué Hassan Jumaa
Awad al Assadi, le président de la Fédération des syndicats irakiens du
Pétrole. La production doit demeurer entre les mains de compagnies
irakiennes, pour donner de l’emploi à nos ouvriers, à nos techniciens et
à nos ingénieurs. Et si nous n’en avons pas assez, nous n’avons qu’à en
former ! »
L’influent mouvement des femmes irakiennes s’est joint récemment à la
campagne contre la privatisation, en faisant valoir que seul un contrôle
national peut assurer des revenus suffisants pour financer des
programmes de lutte contre la pauvreté. Le mouvement attirait tout
particulièrement l’attention sur les pensions accordées aux veuves, qui
constituent désormais les pauvres parmi les pauvres, en Irak. «
Peut-être qu’une certaine forme de coopération avec les multinationales
étrangères est inévitable, a expliqué la présidente de la Ligue des
femmes irakiennes. Mais l’Irak doit demeurer l’actionnaire principal, et
le gouvernement ne doit pas perdre de vue les besoins fondamentaux des
citoyens. »
Les craintes entourant la privatisation se sont étendues aux étudiants
irakiens, qui insufflent désormais beaucoup d’énergie dans la campagne
contre la Loi sur les Hydrocarbures. Un représentant de l’Union générale
des étudiants irakiens, qui se trouvait récemment au Canada, a ainsi
résumé la situation. « En Irak, nous avons désormais 40 syndicats
d’étudiants, tous divisés en fonction des partis politiques, des
croyances religieuses, des origines ethniques ou des sensibilités
régionales. Mais la plupart des étudiants refusent de voir que leur pays
s’enfonce dans des luttes sectaires, et ils veulent que leurs syndicats
s’unissent pour défendre l’intérêt public. »
Les pressions exercées par les mouvements sociaux commencent à modifier
la stratégie du Parti communiste irakien, le seul groupe parlementaire
ouvertement opposé aux privatisations et à la division de l’État sur des
bases religieuses. Depuis la chute de Saddam Hussein, les parlementaires
communistes se sont même alliés à des « libéraux » pour former un bloc
parlementaire démocratique opposé aux partis ethniques ou islamistes.
Il faut dire que la résistance du Parlement et de l’opinion publique
était aussi parvenue à défaire les premières tentatives des États-Unis
pour s’approprier le pétrole irakien. Iyad Allawi, l’ex-premier ministre
qu’avaient nommé les États-Unis, voulaient ainsi permettre aux
compagnies étrangères d’acquérir la propriété de certaines nappes de
pétrole souterraines. Une aberration, selon The Nation. pour qui « ce
genre d’arrangement n’existe qu’aux États-Unis. Dans tous les autres
pays, le pétrole est une propriété de l’État, même si ce sont des
compagnies privées qui en font l’extraction et la vente. »
De tout temps, quand il s’agit de privatisation, les opposants peuvent
compter sur l’appui de certains fonctionnaires du ministère irakien du
Pétrole. « Ces gens ont réussi à administrer très convenablement
l’industrie durant les années de sanctions internationales, a expliqué
Rafiq Latta, de la firme de consultants Argus Energy, lors d’une
entrevue avec The Nation. Ils ont fait un travail impressionnant, et ils
sont fiers de « leur » pétrole. Toute la culture du ministère est
contraire à la privatisation. »
L’appui à la campagne contre la privatisation gagne aussi de l’ampleur à
l’étranger, particulièrement dans des pays comme la Grande-Bretagne et
l’Italie, où les gouvernements avaient supporté l’invasion de l’Irak, en
2003. Paola Gasparoli, du groupe italien Un Ponte Per, résume : «
permettre la vente de l’industrie du pétrole irakien à des intérêts
étrangers tout en expédiant de l’argent en Irak pour l’aide humanitaire
et la reconstruction, ce n’est pas seulement une farce macabre, c’est
complètement immoral. »
Plus près de nous, aux États-Unis, la campagne prendra pour cible
Chevron, l’une des compagnies qui auraient le plus à gagner d’une
éventuelle privatisation du pétrole irakien. Qui sait ? En tordant le
bras au gouvernement irakien pour qu’il fasse adopter l’impopulaire loi
sur les Hydrocarbures par le Parlement, les États-Unis sont peut-être
allés trop loin. Au point de réussir le tour de force d’unir pour une
fois tous les Irakiens autour d’une même cause ?
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6.- DE LA CENSURE ET DE L’INFORMATION À DESTINATION DU PEUPLE
Par Denis Robert, écrivain
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Jamais je n’aurais imaginé en arriver à devoir me défendre comme je le
fais. Mon métier, c’est d’écrire. J’en arrive parfois à être dégoûté de
l’exercer. Ce n’est pas une lubie passagère, ni une panne d’inspiration,
ni un sentiment irrémédiable. Je déborde de projets, mais ce matin, en
descendant à mon bureau, un appel de mon avocat m’a tout à coup arrêté.
Il m’apprend que Clearstream envoie les huissiers pour une saisie sur mes
comptes personnels. Environ huit mille euros me sont réclamés. Jusqu’à
présent les huissiers m’amenaient des plaintes par paquet de dix mais
c’est la première fois qu’il menace de bloquer mes comptes. C’est à la
suite d’une énième plainte de Clearstream contre une interview tronquée
publiée par VSD en juin dernier. De toutes les galères (et les bonheurs)
que je vis depuis que je me suis intéressé au fonctionnement trouble de
la multinationale luxembourgeoise, cette condamnation est ce que j’ai le
plus de mal à accepter. Tant elle est imméritée. Je suis condamné en
première instance et pour diffamation alors que je ne me suis pas
défendu sur le fond, ne reconnaissant pas mes mots dans la présentation
faite par l’hebdomadaire. Cette décision est exécutoire. Ce qui est
exceptionnel en matière de diffamation. Même si j’ai fait appel, je dois
payer. Il y a généralement entre des parties opposées une sorte de
gentlemen agreement pour attendre l’appel avant d’exécuter un jugement.
Là, l’huissier vient de recevoir l’ordre impératif de récupérer des
fonds. Mes fonds.
Il y a volonté délibérée de me faire payer, au sens propre comme au
figuré. Si la somme n’est pas anodine, je fais d’abord une question de
principe de cette menace. Elle me permet d’expliquer comment s’exerce
aujourd’hui la censure en France. Je rappellerai seulement que le
chiffre d’affaires de la multinationale basée à Luxembourg, mais qui
compte pour clients les plus grandes banques de la planète s’est élevée
à près de vingt milliards d’euros l’an passé.
Clearstream et son avocat ont appris à faire un amalgame entre l’affaire
du corbeau qui occupe les journaux français depuis un an et celle des
comptes non publiés qui permettent de dissimuler des transactions qui
les fatigue par sa complexité supposée. Ma mise en examen en décembre
dernier pour recel d’abus de vol et d’abus de confiance devant les juges
d’Huy et Pons n’a rien arrangé. Je suis à tort présenté comme celui qui
a initié la manipulation de listing, alors que ma contre-enquête publiée
en juin dernier débloque l’instruction et dédouane Clearstream. Passons…
Le service juridique de la multinationale va maintenant pouvoir faire
publier (en partie à mes frais, ça me mine) dans des journaux français
et étrangers le fait que j’ai été condamné pour avoir dit (à VSD) qu’ils
étaient « un poumon de la finance parallèle ». C’est le but de
l’exécution de ce matin.
Il suffit de jeter un œil aux annexes de mes livres ou aux listings
authentifiés par la firme et publiés dans la presse, de comptabiliser
les comptes ouverts dans les 40 paradis fiscaux alimentés par des
milliers de clients de Clearstream pour ne pas douter du rôle
fondamental joué, au moins jusqu’en 2002, par ce poumon financier dans
ce qu’on peut appeler « l’économie grise ». Doux euphémisme. Si ces
clients peuvent ouvrir au sein de la chambre de compensation ces comptes
(entre 6000 et 7000 selon mes calculs et les listes de 2001) dans ces
lieux protégés des regards importuns et faciliter ainsi les transferts
de milliards d’euros en les rendant inaccessibles à tout contrôle, ce
n’est pas alimenter une finance parallèle, qu’est ce que c’est ?
Je rends publique cette question. Je ne devrais pas. Là, intervient la
censure. Aujourd’hui, poser cette interrogation légitime et de bon sens
(me) fait prendre un risque judiciaire et financier. Ce n’est pas une
mais plusieurs dizaines de plaintes en diffamation qui courent en ce
moment contre moi, mon éditeur ou la chaîne qui a eu le malheur (ou le
courage, c’est selon) de diffuser mes films... J’ai tout gagné jusqu’à
présent sauf ce foutu procès VSD et les deux procès contre mon premier
livre et mon premier film où j’ai été condamné deux fois à un euro et où
j’ai fait appel. Ceux qui en douteraient peuvent facilement le vérifier
sur le Net (tapez Google ou
http://www.ladominationdumonde/blogspot.com). Cette situation marque une
régression démocratique. Un abus de position dominante. C’est un viol
supplémentaire et intolérable à la liberté d’informer et d’écrire.
A trop laisser faire, on ne finira pas tous au paradis mais à l’ANPE.
C’est de cela qu’il s’agit. L’argent ainsi subtilisé par les champions
de la Forbes academy ne naît pas de rien, n’est pas virtuel. L’argent
qui fuit est celui des hommes qui travaillent. Passons…
Je reçois ces derniers jours, suite aux remous récents suscités par
l’affaire du corbeau, des appels de journalistes. Tous me racontent le
couplet servi par l’oiseau de mauvaise augure chargé de la communication
de la Clearstream Company. Il passe ses journées à faire la tournée des
rédactions et mettre en avant « ma » condamnation (elle finira en
légion d’honneur…). Il prévient que je ne suis « pas fiable », que je
suis « seul et de plus en plus isolé », que j’ai « perdu tous mes
procès », que je suis « quémandeur d’un accord »… Il envoie
complaisamment par fax les pages du dernier jugement (merci pour les
copies). Ces journalistes à qui j’ai parlé rendent compte qu’un « cordon
de sécurité » serait tendu autour de mon travail. Ce n’est pas une
découverte. Je sens le souffre et la sueur altermondialiste. Denis
Robert est excessif. C’est un poète. Un Jules Verne de la finance. Il a
pété les plombs. Je les ennuie, je le comprends. Il préfèreraient que je
n’existe pas. Je les comprends moins.
Je suis utile les gars… Et résistant. Plus vous m’enverrez d’huissier.
Moins je serais gentil. C’est une règle philosophique. Je sais ce que
j’ai fait ; et tout le monde peut se tromper. Surtout vous et les
magistrats de la 17ième chambre du TGI de Paris.
Les huissiers qui débarquent ce matin et la publication imminente dans la
presse du jugement VSD pourront être interprétées de deux manières. Ceux
qui ne connaissent rien à ce dossier vont penser à une défaite me
concernant. Les autres auront compris que c’est le signe d’un énervement
manifeste de la part de la multinationale Clearstream qui aimerait
étouffer les vérités que nous avons publiées. Les gommer. Les pulvériser
à coups de menaces. La censure, par la peur des procès, joue à fond.
J’ai une petite idée sur les raisons de cette rapacité soudaine de la
part de Clearstream Banking à mon égard. Elle tient aux démarches que
nous avons entreprises auprès des candidats à l’élection présidentielle
pour mettre en cause le rôle de Clearstream dans les évasions de
capitaux. Une lettre ouverte vient en effet d’être envoyée à chacun
d’entre eux (http://lesoutien.blogspot.com/). Elle tient encore plus à
la sortie simultanée cette semaine de deux livres écrits par les
principaux protagonistes de l’affaire des listings trafiqués.
Si le premier, celui de l’informaticien Imad Lahoud (un coupable idéal,
Privé) s’en prend trop prudemment à Clearstream et accumule tellement de
mensonges et de contre-vérités qu’il a perdu toute crédibilité, le
second co-écrit par Jean Louis Gergorin, ex numéro deux d’Eads,
(Rapacités, Fayard) est accablant pour la firme. Gergorin raconte
comment il a découvert cet « instrument extraordinaire de la finance
internationale aux capacités pour le moins inquiétantes ». Il cite un
ancien directeur du Trésor qui explique « Clearstream facilite la
réintégration dans le système financier de fonds dont il vaut mieux ne
pas connaître l’origine ». Il développe, avec précision, les moyens
utilisés par la multinationale pour fabriquer de l’opacité et la vendre
à ses clients.
Devenu par sa fonction de responsable de la stratégie d’Eads un abonné
aux services Internet et Intranet de Clearstream, il peut montrer
comment ouvrir des comptes dit « additionnels » qui servent de «
véhicules financiers » aux transactions douteuses. « Aux véhicules
financiers immatriculés -les comptes principaux- peuvent se voir
attelées des remorques sans plaque d’identification visible, puisque les
comptes additionnels ne sont pas forcément publiés ». Il ajoute que les
ayant droit économiques de ces comptes ne sont pas connus de
Clearstream, que ces derniers peuvent être « des particuliers ». Et
transférer à leur guise et en toute discrétion « des liquidités ». Ce
qu’a toujours et d’une manière forcenée nié la multinationale. Gergorin
décrit pourquoi ces transactions parallèles ne laissent pas de traces
dans la comptabilité. Il dénombre 11296 comptes additionnels (non
publiés) : « Ce n’est pas une mince affaire… Après 5 mois d’analyse,
j’ai acquis la conviction qu’il existe chez Clearstream jusqu’en 2001 et
probablement jusqu’en 2004, une catégorie extraordinaire de comptes
qu’on pourrait appeler les comptes morts-vivants »
Onze mille deux cent quatre vingt seize comptes.
Toute l’explication de Gergorin, et c’est sûrement le fait le plus
remarquable, repose sur des textes récupérés légalement de l’intérieur
de la firme qu’il publie en annexes. Difficile d’en nier l’existence.
C’est la première fois depuis six années que l’affaire est sortie qu’un
travail de réflexion et d’enquête est réalisé dans la continuité du
nôtre. Ce n’est pas un journaliste qui le fait (encore qu’il se soit
adjoint la collaboration de l’excellente Sophie Coignard). C’est un
polytechnicien, un vendeur d’armes et d’Airbus. Un haut fonctionnaire
qui petit-déjeune avec Kissinger, déjeune avec Dominique de Villepin et
dîne avec tous les banquiers de la planète.
J’ignore qui a manipulé qui dans l’affaire de corbeau, même si le tableau
se fait plus précis ces derniers temps, mais je ne vois pas l’intérêt
pour Jean Louis Gergorin, du fait de ses casseroles médiatiques, de sa
mise en examen et des risques encourus, de commettre pareil livre
aujourd’hui. C’est le signe d’une sincérité. D’un retour à l’humain.
Gergorin, après s’en être bien servi, se rend compte de la voracité du
système financier international. De sa dérive organique… Ce qui peut
paraître paradoxal compte tenu de tout ce qu’on a écrit sur lui. C’est
trop facile aujourd’hui de le renvoyer à son hypothétique folie comme le
font les mauvais journalistes ou les témoins peu fiables genre Lahoud.
Ceux qui ne réfléchissent pas plus loin que le bout de leur nez ou sont
instrumentalisés pour fabriquer des écrans de fumée.
Relevons ce paradoxe : plus une affaire est médiatisée, moins le public
est informé. Aujourd’hui que la pression judiciaire est temporairement
retombée et que ces livres sortent, on pourrait plus facilement trouver
la clé et dire les rôles joués par les uns et les autres. Y compris
revenir sur le fonctionnement dangereux de la chambre de compensation
luxembourgeoise. Mais tout le monde semble s’en moquer. Trop sulfureux,
dit-on. Trop compliqué, répète-t-on. La campagne électorale annihile
toutes velléités d’information. Nous sommes entrés insidieusement dans
la censure. On se prive d’informations de peur de…
Le parti socialiste devrait pourtant se saisir de cette affaire et de ces
nouvelles révélations. Bayrou aussi. Et pourquoi pas Sarkozy ? Surtout
s’ils n’ont rien à se reprocher. Clearstream met en exergue plusieurs
fléaux : la restriction de la liberté d’écrire et d’informer, les
combines de la droite au pouvoir et l’absence de contrôle sur les outils
financiers transnationaux. Jamais les paradis fiscaux ne se sont si bien
portés. Jamais les journalistes n’ont été aussi impuissants. Jamais les
juteuses rétrocommissions des frégates ne se sont si bien cachées… Le
peuple, puisque Ségolène Royal s’y réfère aujourd’hui… « Je n’ai de
compte à rendre qu’au peuple » dit-elle, après que Sarkozy cite Jaurès
et son attachement au « monde ouvrier »… Le peuple donc… est passionné
par ces affaires. Bien plus que par les anecdotiques révélations sur des
bidouillages d’impôts ou des appartements sous-payés… Le peuple a envie
qu’on l’informe et qu’on le défende sur le terrain de l’hyper-finance.
Je le connais le peuple, c’est mon copain. Il a horreur qu’on se moque
de lui et qu’on parle en son nom. Surtout qu’il dormait tranquillement
depuis si longtemps. Le peuple a de la mémoire, une capacité
d’encaissement limitée. Et une sorte de colère qui dort et qu’il ne
faudrait pas trop chercher à réveiller.