par André Gunthert
Nicolas Sarkozy est le partisan résolu d'une gouvernance moderne, basée sur un dialogue avec l'opinion publique à travers les médias et les corps constitués. Son usage de l'outil législatif manifeste cette option. Plutôt que d'établir les règles du jeu social, les lois soumises au Parlement servent à adresser des messages ou à afficher une politique.
C'est bien sous cet angle qu'il convient d'examiner la loi « Création et internet », ou Hadopi, du nom de la nouvelle administration qu'elle institue. Son but avoué est de limiter l'échange de fichiers audiovisuels en ligne, défini comme « piratage », par la suspension de l'abonnement pour les comptes recourant aux plates-formes de partage, ou peer to peer, pour télécharger et diffuser des contenus protégés par le droit d'auteur.
Du moins, tel était son objectif il y a deux ans, lorsque Christine Albanel chargeait le PDG de la FNAC - devenu entre temps celui du Nouvel Observateur -, Denis Olivennes, de résoudre l'impasse créée par le dispositif supposé réguler les « droits d'auteurs et droits voisins dans la société de l'information » (DADVSI) - un texte si mal adapté à son objet qu'il n'a jamais pu être pleinement mis en application.
Il n'est pas certain que la loi Hadopi puisse se montrer beaucoup plus efficace. Entretemps, les usages ont évolué à grande vitesse. Le partage en ligne a été inauguré à une époque où n'existait aucune offre légale de contenus culturels. Mais les barrières à l'entrée de cette pratique sont loin d'être négligeables, et la croissance rapide de catalogues en ligne plus faciles d'accès a modifié la donne. Aujourd'hui, les échanges de pair à pair sont en perte de vitesse au profit du streaming, de l'acquisition de fichiers ou d'autres formes de mise à disposition des contenus.
Pour la musique, de l'avis même des spécialistes, l'offre légale est déjà suffisante pour contrer efficacement le piratage. Reste l'industrie du cinéma, qui a freiné la mise en place d'une alternative commerciale sur internet en attendant le décollage (s'il a lieu) du disque Blue Ray.
Sur ces mouvements du marché, Hadopi n'aura au mieux qu'un effet marginal. Au pire, la loi peut contribuer à sa détérioration. Des études l'ont montré : le peer to peer n'est pas l'ennemi du marché. Au contraire, les usagers les plus assidus du partage en ligne sont aussi les plus gros consommateurs de contenus culturels. En restreignant l'abonnement de ceux qui sont le coeur de cible de l'industrie des loisirs, la réponse graduée pourrait bien avoir des effets néfastes comparables à celui des DRM (Digital Rights Management). Ces verrous électroniques promus par la loi DADVSI ont été abandonnés par les distributeurs lorsqu'on s'est aperçu qu'ils avaient pour conséquence principale de pénaliser les consommateurs les plus vertueux et de dissuader l'acquisition légale (...)
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http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2009-03-12-Hadopi
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