Je viens de passer une semaine à Messines, petite bourgade de l’Algarve, à quelques km du lieu où j’ai passé mon enfance. J’y étais allé dans l’espoir d’y retrouver mes amandiers en fleur. Mais au Portugal y a pas que les amandiers qui fleurissent…
Au mois d’août 2007 nous avions déjà été surpris d’y trouver un constructeur allemand, ENERCON, en train d’installer d’énormes éoliennes très près, trop près, de la maison de mes parents (500-600m). Toutes n’étaient pas complètement installées. On procédait à des essais sur les deux premières. Donc j’y avais déjà goûté un peu. Et dès la première nuit d’essai les éolienne ont fait un tel raffus, je dormais sous la tente, que j’ai du me réfugier dans la maison pour y trouver le sommeil…
Cette fois ci ça y est. Ca fonctionne, ça tourne. La moindre petite brise les fait tourner. Parfois il n’y a pas une once de vent au sol et malgré tout, elles tournent quand même. Trois éoliennes sur la colline de Pico Alto.
D’abord on est impressionné par la monstruosité de la chose. La hauteur des mâts (plus de 100 m) sur une colline qui fait un peu plus de 300 m ça modifie complètement notre perception du relief. Pour augmenter les capacités de production les constructeurs ont agrandi au fur et à mesure la hauteur des mâts et la largeur des pales. Aujourd’hui les mâts font jusqu’à 125 m de haut et personnellement j’ai constaté qu’ils sont visibles à plus de 30 km…
On la sent rapetissée notre colline. Banalisée et instrumentalisée. On a su enfin en tirer parti. Alors que son enchantement (et notre orgueil) nous venait en partie de sa relative inaccessibilité et de son inutilité. Je veux dire que ce qui, pour nous, faisait sa valeur c’était justement qu’elle n’avait aucune valeur exploitable, qu’elle ne servait que de refuge aux lapins et aux perdrix, aux fauvettes et aux chouettes et je ne parle pas du thym et du romarin et de la lavande et de la multitude de plantes sauvages et de l’ivresse de toutes ces odeurs… Ces machines à capter du vent (et du fric) ont su démontrer qu’aucun morceau de terre, même les plus improductif, même le plus ingrat, n’échappe ni au progrès ni au capitalisme (pléonasme ?) et que tout est exploitable.
Je suis allé voir le Président de la Junta de Freguesia de Messines, espérant qu’il m’informerait sur les critères qui ont présidé au choix de l’emplacement des éoliennes aussi près des maisons (400 m pour les habitants de Pico Alto et 600 m pour ceux de Fonte João Luis)
D’abord, me dit-il, « il faut savoir que tout a été fait pour que les éoliennes se fondent dans le paysage, ne se voient pas trop, ne choquent pas, passent inaperçues…on ne les a pas peint en rouge par exemple, ni avec des couleurs criardes et brillantes pour éviter les reflets du soleil, etc »…Pendant une seconde je me suis demandé si c’était une plaisanterie, de l’inconscience ou de la connerie !
En termes de recours, me dit-il, « il n’y a plus rien à faire ». Bref il m’a fait comprendre qu’il l’avenir était aux éoliennes, qu’il n’y avait pas d’autre choix face à la nécessité de préserver la pureté de l’air, etc… Sous entendu, il faudrait que je sois un véritable arriéré pour refuser les énergies propres. Bah merde alors ! Suis-je un réactionnaire ? Moi qui ai milité chez les Verts, qui ai manifesté contre l’installation d’une des premières centrales nucléaires à Gravelines en 1976… qui était de toutes les manifs contre tout ce qui pouvait puer et polluer, me voilà soupçonné d’être un petit bourge égoïste et rétrograde !? Est-ce que je préfère le trou d’ozone, la pollution, les cancers ? L’énergie propre c’est l’avenir, c’est le bon sens, et c’est inévitable ! Et c’est sûr ! Que vaut ma petite tranquillité et celle d’a peine une douzaine d’habitations eu égard à la cause de l’environnement…Rien ! Nada ! Tais toi. Tu ferais bien de te cacher et de taire des arguments de boff…
Sans compter que le bruit n ’est une question d’habitude. Parfaitement. C’est l’argument que m’a aussi servi mon président de Messines. Lui-même se donnait en exemple. Un temps il avait été conduit à résider au bord d’un ligne de chemin de fer. C’est vrai, le bruit des trains l’ont empêché de dormir la première nuit. Ainsi que la deuxième. Et aussi la troisième. Mais la quatrième nuit… il s’est écroulé d’épuisement et à dormi d’un sommeil de plomb !? C’est une question d’habitude… CQFD.
Après lecture du dossier voilà ce que j’ai appris:
1-Aucune étude d’impact environnemental n’a été faite. Le secteur n’étant pas classé « zone protégée» il n’y avait aucune obligation juridique à faire une étude d’impact. C’est à la lecture du dossier que moi (et lui) apprenions qu’aucune étude d’impact d’aucune sorte n’avait été faite…Seuls ont été consultés l’Armée de l’air, l’aéroport de Faro et le réseau de télétransmission . Tous ont donné leur accord.
2-Il faut bien noter la démarche de la part d’EDP. Seuls les habitants de Pico Alto (une demi douzaine d’habitations) ont été prévenus de la construction des éoliennes. Et pour cause c’est à peine si les pales des éoliennes ne frôlent pas le toit des maisons… Bon j’exagère un peu, leurs maisons se trouvent à 300 m de la première éolienne. Probablement personne do Pico Alto n’avait jamais vu de près une éolienne. Personne non plus ne pouvait soupçonner les nuisances sonores… Des habitations environnantes personne n’a reçu l’info. Pas une note de la commune non plus. Or il faut bien réaliser que ce n’est pas la distance au sol qui seule détermine la plus ou moins grande nuisance sonore. Depuis le sommet d’une colline le bruit se propage à peu près identique quelle que soit la distance des maisons au sol. Aucun avis d’enquête publique n’a été lancé à ma connaissance. Le maire évoque bien sur les « Editaux » affichés sur la porte de la Junta (Mairie) de Freguesia. Mais d’abord il eut fallu savoir qu’ils y étaient affichés et ensuite il fallait savoir les lire, ce qui n’est le cas que pour une partie des riverains.
Bref TOUT a été fait dans les normes. Et la NORME présuppose aussi la fatalité et la résignation de la part des riverains. Comme d’habitude, si c’est pas Dieu, c’est l’Etat, c’est la Bureaucratie, c’est la Technocratie, c’est « a puta que os pariu », ils font, ils défont, ils font toujours fait ce qu’ils veulent avec les dominés. (Il est à parier que si un notable ou un milliardaire habitait au sommet de cette colline il y a peu de chances pour qu’une éolienne y voit le jour…)
Les propriétaires des terrains sur lesquels sont implantés les éoliennes (il y en bien a un douzaine) touchent de 250 à 500 euros par an de location du terrain. Le contrat a été établi pour 20 ans. Bref, comme on dit en portugais, « estamos f… !! »
A vrai dire, au début, je ne savais pas trop quoi penser de cette affaire. Fallait-il au nom de l’environnement ravaler les nuisances subies. Fallait-il faire une croix sur la tranquillité et la qualité du silence dont on pouvait jouir. Des nuits passées allongés par terre à compter les myriades d’étoiles, de la petite brise qui nous remplit les narines d’un cocktail toutes les odeurs environnantes, du chant des grillons qui mettaient un temps infini à trouver leur âme sœur, du coassement des grenouilles qui se répondaient en échos, du sentiment de plénitude dans lequel nous plonge la douceur du petit vent de la nuit… Faut-il se résigner à ce que la moindre manifestation de brise soit désormais synonyme de pollution sonore … Dur dur. J’étais pris dans un étrange dilemme. L’écolo que je suis disait qu’il fallait minimiser les dégradations et les nuisances dues aux éoliennes…mais la brute arriérée sentait instinctivement, n'en déplaise à ENERCON, qu’il y avait quelque chose qui «ne tournait pas rond » …
Vous vous imaginez bien que tout ça m’a intrigué un peu.
Donc je suis allé voir sur Internet et j’ai passé mon dimanche à chercher des infos pour y voir plus clair et j’ai découvert des choses pas piquées des vers (ou des verts ?) ...pour le citoyen-écolo-naïf que je suis et qui est prêt à gober tout et n'importe quoi du moment que c'est pour la bonne cause écologique. Qui peut se résumer à ce qui suit :
Une directive européenne fixe à 22,1% (j’avoue que le 0,1 % m’intrigue un peu, pourquoi pas 22% tout rond, pour faire bonne mesure ou pour faire croire que tout ça est décidé par des gens rationnels à 100,1% ???) l’objectif de consommation totale d’électricité générée par des sources renouvelables pour l’UE en 2010. Ce qui signifie que tous les pays qui ont du retard en la matière mettent les bouchées doubles, et sont prêts à concéder toutes sortes d’endroits pour l’emplacement d’éoliennes afin d’atteindre ces objectifs. Ce qui explique aussi que le secteur des énergies renouvelables et notamment de l’éolien connaissent une rapide expansion. Comme les autres pays européens, le Portugal devra s’aligner sur ces normes. D’où la course aux emplacements…
Comme ce sont des groupes capitalistes qui ont la charge de produire et d’installer ce type de matériel, les constructeurs sont bien contents de l’absence de normes d’emplacement en matière de respect de l’environnement, de nuisances sonores, etc… L'éolien est devenu un lobby puissant et extrêmement juteux pour les financeurs et les constructeurs. Chaque Etat (les Etats européens se sont engagés à soutenir fiscalement la production d'énergie éolienne) s'engage à acheter pendant 10 ans le kw/h d'électricité produite par éolienne à 8,2 centimes au lieu de 5 centimes (c'est le tarif français mais le principe est le même pour les autres pays) qui est son prix de revient (avec un tarif plus ou moins dégressif après 10 ans) d'où les marges bénéficiaires considérables pour les actionnaires. Donc bénéfices juteux et garantis pendant au moins 15 ans en moyenne pour chaque investisseur ! C'est un secteur en plein boum, croissance exponentielle et chiffres d'affaires qui explosent. Chaque producteur est donc en quête de sites susceptibles d'abriter la moindre éolienne. D'où je suppose, le laxisme sur les critères d’emplacement et l’absence de la notion de « nuisances sonores » pour les riverains dans la prise en compte des critères d’emplacement.
La notion de « nuisances sonores » n’existe pas dans le droit portugais. En l’état actuel de la législation rien ne s’oppose à ce qu’on mette une éolienne en bordure de votre jardin…si ce n’est la longueur des pales. Aucune notion de distance entre site d’implantation et secteurs habités n’est évoquée dans les dossier techniques ou sur les considérations d’implantation. Bref c'est un pseudo marché, où une collusion d'hommes politiques et de groupes industriels et financiers, dominé par une demi-douzaine de constructeurs de taille mondiale (dont ENERCON le constructeur allemand...présent au Portugal et à...Messines.) mais bénéficiant de prix de vente de l'énergie garantis par l'Etat, avec des acheteurs captifs... les contribuables et consommateurs que nous sommes tous. Que l’énergie éolienne soit plus écologique c’est certain. Que l’avenir soit au développement de ce type d’énergie qui pourrait le nier ? Mais est-ce que cela doit se faire au prix des nuisances sonores et du remplacement d’une forme de pollution par une autre pour tous les riverains d’éoliennes. Est-ce défendable ?
Coté nuisances sonores, je continue ma petite enquête et voilà ce que j’ai trouvé :
« L’existence de nuisances sonores importantes jusqu’à une distance considérable des centrales éoliennes n’est plus à prouver. Citons par exemple, Saint Crépin (1000m), Plougras (700m), Avignonet (500m), Sallèle-Limousis (100m), le Mont Tauch, le Pic de Merdelou (1300m), Fitou, etc… On a de plus de nombreux témoignages où de façon sporadique, les machines s’entendent distinctement mais plus faiblement à 3 et même 5 km (lettre du maire d’Ersa, Hte Corse)
Déjà en 1998, le manisfeste de Darmstatd dénonçait les nuisances sonores et infra sonores de l’éolien industriel en Allemagne.
Le 25 janvier 2004, C.Milner a publié un article dans le Daily Telegraph intitulé « Les centrales éoliennes rendent les riverains malades jusqu’à 1610 mètres de distance »
En mai 2004, un rapport canadien sur les conséquences sur la santé de l’éolien industriel (« Archives and Collection Society » PO Box125 Pictoon Ontario K0K2T0 Canada) indique :
-que le Comté de Riverside (USA) exige 2 miles (3218mètres) entre les éoliennes et les habitations,
-que l’entreprise allemande Retexo-RISP Gmbh spécialisée dans l’industrie de l’environnement refuse d’ériger des éoliennes à moins de 2 km des habitations.
Début septembre 2005 le Land Nord du Rhin-Westphalie a pris un arrêté interdisant la construction d’éoliennes à moins de 1500mètres d’habitations pour cause de nuisances aux riverains et en particulier de nuisances sonores.
Le 14 mai 2006 l’Académie de Médecine (France) a publié un rapport recommandant de ne pas construire d’éoliennes à moins de 1500 mètres d’habitations sous peine de conséquences nuisibles pour la santé des riverains »
Etc…
PS : J'ai été quand même enchanté par les amandiers en fleur. Et hier soir je suis tombé par hasard sur un poème magnifique de Mahmoud Darwich "Pour décrire les fleurs d'amandier"
Comme dirait Miguel Torga "L'universel c'est le local moins les murs"
Manu
Merci à Manu pour cette contribution au Blog.
1 commentaire:
então vadio estivestes por cá e nem um sinal!sera vento,sera gente,gente não é certamente porque a boa gente não gosta da serra assim.Queres ver que me vão arrancar todas as alfarrobeiras em troca de umas ventoinhas...
tenho que estar atento,a ria de Aveiro está cheia de vento e nada para esses malucos.um abraço . Manu.
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