Un lieu de résistance à la marchandisation du monde et d'immenses saudades de l'Algarve
18 juil. 2007
Il n'y a pas de fatalité
COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°572)
Vendredi 13/07/07
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Dans ce numéro
1.- ECHEC DES NEGOCIATIONS A L’OMC
par Raoul Marc Jennar, URFIG
2. – MIGRATIONS AFRICAINES ET VIOLENCES
par Aminata Dramane Traoré, Ancienne ministre, essayiste, Animatrice du
FORAM
3.- MEMORANDUM DU ROPPA : SUR L’INTEGRATION REGIONALE ET LES NEGOCIATIONS
APE
Confédération paysanne du Faso :
http://www.liberationafrique.org/spip.php?article1781%22=%22
ROPPA: http://www.roppa.info/
4.- CRISE ECOLOGIQUE
Article de l’Observatoire des inégalités (http://www.inegalites.fr), 19
juin 2007
par Hervé Kempf, auteur de "Comment les riches détruisent la planète",
Ed Seuil 2007.
5.- LE FSM : NOUVELLES REPONSES
par Cândido Grzybowski, Sociologue, directeur de Ibase
Traduction : Ghislaine Balland, http://coorditrad.attac.org
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1.- ECHEC DES NEGOCIATIONS A L’OMC
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par Raoul Marc Jennar, URFIG
21.06.2007
Depuis mardi 19 juin, le G4 était en réunion à Potsdam, près de Berlin.
Le G4, c’est la réunion des ministres du Commerce du Brésil, des
Etats-Unis, de l’Inde avec le Commissaire européen au commerce
international. Leur collègue de l’agriculture s’étaient joints aux
discussions. Ils viennent de se séparer sans se mettre d’accord.
Objet de cette rencontre qui s’inscrivait dans le cadre des négociations
à l’OMC : réduire les divergences sur les deux dossiers qui opposent ces
pays et les groupes de pays qu’ils représentent. Premier dossier :
l’ouverture des marchés du Sud aux produits industriels des pays
occidentaux par la diminution des droits de douane (leur principale
source de revenus). Second dossier : l’agriculture où l’enjeu était la
réduction des tarifs douaniers des pays du Sud en échange de l’ouverture
des marchés des pays occidentaux et la réduction des aides que ces
derniers pays apportent à la production et à l’exportation de leurs
produits agricoles.
Cette réunion de Potsdam avait été préparée, dans le plus grand secret,
par plusieurs autres. Les propositions avancées par les responsables des
négociations à l’OMC avaient suscité de très vives critiques des pays en
développement et des pays rangés dans la catégorie de « pays les moins
avancés », c’est-à-dire les plus pauvres. Pendant que la presse
occidentale matraquait avec zèle le slogan des multinationales et de
leurs relais à la Commission européenne, à la direction de l’OMC et dans
les gouvernements occidentaux selon lequel le libre échange favorise le
développement, pendant que cette même presse et ces mêmes décideurs
politiques répétaient à satiété que l’échec des négociations
pénaliserait d’abord les pays les plus pauvres, les premiers concernés,
soutenus par quelques agences de l’ONU (la CNUCED, la FAO et plus
timidement le PNUD) expliquaient inlassablement, sans que les médias
leur fassent écho, que les propositions occidentales allaient surtout
profiter aux Occidentaux et renforceraient la dépendance de leurs pays à
l’égard des pays les plus riches.
Les discussions de Potsdam devaient durer jusqu’au dimanche 24. Un
résultat positif aurait permis de boucler un accord sur le programme de
négociations lancé à Doha en novembre 2001. A Genève, dans l’entourage
de Pascal Lamy, on envisageait déjà une rencontre ministérielle fin
juillet pour finaliser la négociation et signer un accord. Une telle
conclusion aurait provoqué une nouvelle poussée de la dérégulation
massive qu’on appelle souvent mondialisation. Avec encore plus de
dérégulation sur les services, sur les marchés publics, sur les
investissements, cette avancée aurait été comparable à celle acquise en
1994 au terme de l’Uruguay Round dont on mesure aujourd’hui les dégâts :
privatisation des services publics, médicaments essentiels devenus
inaccessibles, brevetage du vivant, dumping social planétaire,
délocalisations, perte de compétitivité des produits agricoles du Sud,
dépendance alimentaire accrue de ces mêmes pays.
Pour nous Européens, il faut rappeler que ce sont nos gouvernements, de
gauche comme de droite, qui, avec la Commission européenne, ont négocié
les accords de l’Uruguay Round. Ce sont ces accords qui ont donné son
élan à la mondialisation. Et ce sont ces mêmes gouvernements qui sont à
l’origine du programme de Doha.
L’échec de Potsdam est une bonne nouvelle pour les peuples. Du Nord comme
du Sud. On peut maintenant raisonnablement espérer que le cycle de
négociations commencé à Doha est dans l’impasse pour plusieurs années.
Après l’échec de la négociation du projet d’Accord Multilatéral sur
l’Investissement (1998), après l’échec de la conférence ministérielle de
Seattle (1999) puis de celle de Cancun (2003), l’enlisement du programme
de Doha est une nouvelle victoire de la résistance conjuguée et
coordonnée des peuples du Sud et du mouvement altermondialiste si décrié
aujourd’hui, y compris par la vieille gauche tellement absente de ces
dossiers. Un intense travail a été fourni à Genève par les réseaux
altermondialistes du Nord (par ex : l’Institute for Agriculture and
Trade Policy, Oxfam International) et du Sud (par ex : Third World
Network, Focus on Global South) et les négociateurs des pays du Sud. Il
trouve son aboutissement dans l’incapacité des USA et de l’Europe à
dicter une fois de plus leur loi, celle des multinationales, au reste du
monde.
Il n’y a pas de fatalité. Qui résiste existe.
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2. – MIGRATIONS AFRICAINES ET VIOLENCES
Où est le danger ? Où est la vérité?
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Aminata Dramane Traoré, Ancienne ministre, essayiste, Animatrice du FORAM
Bamako, le 13 juin 2007
1. "C'est l'Afrique qui est en danger"
Dans quelques jours, avec la fin des élections législatives, la France va
tourner l'une des pages les plus tumultueuses et les plus édifiantes de
son histoire sans que, par ici, au Mali, au Cameroun, au Niger et
ailleurs, dans ses anciennes colonies d'Afrique, nous ayons mesuré
toute la gravité du tournant dont il s'agit pour nous.
Pour les cinq années à venir, elle est de droite, libérale et
décomplexée. Ainsi l'a voulu la majorité des Français et des
Françaises, dans le cadre d'un processus électoral où tout, ou presque
tout, passe au peigne fin, sans tabou contrairement à nos démocraties
balbutiantes où la transparence des urnes prime sur le débat de fond
quant à notre sort dans un monde dit globalisé mais en réalité
compartimenté, dont nous sommes le parent pauvre ainsi que le paria.
C'est d'abord en cela que nous sommes en danger. Car, contrairement
aux Français qui ont les moyens et la latitude de se battre pour leurs
acquis sociaux, quelle que soit la force de la vague bleue, l'effet
Tsunami est garanti pour nous, Africains, faute de contre-pouvoir et de
système de défense.
Le changement générationnel que nous appelions, nous aussi, de tous nos
vœux, avec la fin de l'ère Chirac, a bien eu lieu, sauf que notre
continent est sacrifié sur l'hôtel du marché roi. N'entendez-vous pas
au large des côtes de l'Atlantique et de la Méditerranée les cris des
milliers de jeunes naufragés qui doivent ce destin cruel à la primauté
des valeurs marchandes sur le droit à la vie. La droite française qui
les revendique haut et fort n'est décomplexée que par rapport à
l'enrichissement, ici et maintenant, aux crimes économiques du passé et
à venir ainsi qu'au repli identitaire. Car pour aller vite, dans
l'accumulation des richesses, il vaut mieux être entre soi, parler la
même langue, pratiquer la même religion et avoir la même couleur de peau.
L'immigration zéro de l'extrême droite n'étant pas réalisable, à moins
d'exterminer tous les non-blancs, l'immigration choisie fera
l'affaire.
L'Afrique noire paie un tribut particulièrement lourd à cet ordre
arrogant, sélectif, nécessairement autoritaire et violent. Pour rassurer
une opinion publique française sous hypnose mais malgré tout consciente
de ses valeurs de justice et de fraternité, on tâchera d'arroser la
fermeté d'un zeste d'humanité. C'est ainsi que le ministre de
l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du
co-développement, Brice Hortefeux, s'est penché il y a quelques jours à
Toulon, sur les dépouilles de dix-huit de ces milliers d'hommes, de
femmes et d'enfants que la fermeté condamnent à voyager dans l'ombre.
Il n'a pas pu s'empêcher de rappeler face à ces corps sans vie,
qu'ils "étaient tous des candidats à l'immigration clandestine
tentant de rejoindre illégalement les terres européennes".
Le mal dont nous sommes devenus malgré nous le symbole sera combattu avec
une "fermeté" certaine quand il s'agit de nous, les Africains. Le
ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale
et du codéveloppement, aurait tout aussi bien pu s'appeler "le
ministère du tri et de la mise à distance des Africain(e)s que la droite
libérale, juge inutiles à la France".
La plupart des passagers des vols d'Air France, vers les différentes
capitales africaines, seraient de cet avis. Ceux du vol AF 796, le 26
mai 2007ont assisté à l'une de ces scènes qui édifient quant au sort
réservé aux humbles et aux laissés pour compte "On croit d'abord à une
bagarre entre passagers. Certains veulent les séparer mais en sont vite
dissuadés par les policiers qui se font alors connaître. S'ensuit une
scène d'une grande violence : l'un des policiers pratique un
étranglement sur le passager, l'autre lui assène de grands coups de
poing dans le ventre. Ses hurlements se transformèrent en plaintes
rauques. Cette tentative de maîtrise dure dix minutes, peut-être plus et
suscite immédiatement chez les passagers un mouvement de protestation
qui n'a aucun effet sur les violences en cours… Sous les huées des
passagers, l'homme finit par être immobilisé et sanglé. Il perd
connaissance, yeux révulsés, langue pendante, écume au lèvres…"
Et gare à ceux et celles qui ont le malheur de voir que leurs semblables
souffrent, entendent leurs cris et réagissent. Une "notice
d'information" du ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du
territoire leur rappelle que la décision de reconduite d'un étranger
est un acte légitime de l'Etat français. Ceux qui, à l'instar de
Michel Dubois, n'écoutent que leur cœur et réagissent risquent d'être
poursuivis. A la criminalisation des migrants s'ajoute celle de la
solidarité et de la citoyenneté. A nous d'affronter seuls la peur et la
honte des expulsions, c'est à dire la mise à distance et à l'index.
Au fur et à mesure que les distances se rétrécissaient du fait des
progrès des moyens de transport et de communication, nous avions espéré
que nous pourrions rencontrer les autres, nos semblables, et que entre
Français et Maliens, Européens et Africains libérés de nos préjugés et
de nos peurs, nous allions enfin nous apprivoiser mutuellement. C'est
Antoine de Saint-Exupéry qui dit que si nous nous apprivoisons, nous
aurons besoin l'un de l'autre. Il n'avait pas vu venir la
mondialisation marchande et déshumanisante, dans laquelle tout se mesure
en termes de taux de croissance et de PIB. C'est ainsi que l'ancien
ministre de l'Intérieur est venu nous notifier à Bamako que la France
n'a pas économiquement besoin de l'Afrique.
De quel côté se situe donc le danger ? Du côté des morts, dont les 4 000
naufragés des dix derniers mois de 2006, ainsi que des dizaines de
milliers de morts-vivants que sont les expulsés, ou du côté de la très
riche et puissante Europe dont les membres, en l'occurrence la France,
ont balisé eux-mêmes les voies migratoires en allant à la conquête des
pays d'origine des "indésirables".
Les évènements dramatiques de Ceuta et Melilla en septembre/octobre 2005,
suivis des émeutes des banlieues et de l'occupation du gymnase de
Cachan par des « sans papiers », étaient de la part des "nouveaux
damnés de la terre" autant de cris et de gestes de désespoir pour
rappeler que si le monde est devenu dangereux, ce sont eux qui sont en
péril. Mais la France ne semble pas avoir compris. Quant à l'Afrique
des dirigeants politiques acquis au dogme néolibéral, elle s'est voilée
la face et continue de se réfugier dans un silence coupable.
Les six grévistes de la faim de Cachan le soulignent dans leur lettre au
Président de la République française, lorsqu'ils disent "Nous ne
sommes ni des criminels, ni des profiteurs…Nous ne sommes pas dangereux,
mais en danger".
2.Où est la vérité ?
Les puissants de ce monde voudraient, malgré tout, avoir le monopole de
la vérité et de la justice. Les problèmes sont délibérément mal posés
pour "légitimer les odieuses solutions qu'on leur apporte", faisait
déjà remarquer Aimé Césaire dans son lumineux « Discours sur le
colonialisme ».
Les électeurs(trices) français(e)s et européen(ne)s qui se laissent
piéger par le spectre d'une invasion de leurs pays et, d'une manière
générale, de l'Europe, par des migrants "illégaux", "clandestins",
"sans papiers", seraient plus solidaires avec ceux-ci s'ils savaient
que la mondialisation dont ils redoutent tant les méfaits est allée fort
loin en Afrique dans la destruction de l'emploi, notamment celui des
jeunes, du lien social et des écosystèmes.
Dans son appel "fraternel" à tous les Africains, le nouveau Président
de la France qui se promet de nous "aider à vaincre la maladie, la
famine, la pauvreté et à vivre en paix", commet la même erreur que les
autres dirigeants occidentaux. Ils s'interdisent de diagnostiquer les
maux du continent à la lumière des conséquences de leurs propres
appétits et convoitises de matières stratégiques. La crise du Darfour,
pour laquelle la France se passionne tant avec son nouveau ministre des
Affaires Etrangères, Bernard Kouchner, comme chef d'orchestre, ainsi
que les flux migratoires africains dont elle préfère occulter les causes
historiques et macro-économiques, souffrent de ce déficit théorique.
Du Biafra au Darfour, certains humanitaires privilégient la part de la
destruction et de la souffrance humaine qui se laisse saisir et
médiatiser. Ils taisent délibérément – dépendance financière oblige -
les intérêts des nations riches et les enjeux géostratégiques qui, en
lame de fond, déchirent le continent, attisent des rivalités et des
conflits interethniques anciens ou nouveaux qui se seraient résorbés si
la démocratie avait revêtu son sens véritable. Les prouesses des
nouvelles technologies de l'information et de la communication
n'aident en rien la maturité politique. Le vacarme mondial vise à
cacher la vérité aux peuples. La surmédiatisation des famines et des
guerres en Afrique à la veille des grand-messes de la communauté
internationale est tout simplement indécente. Nous sommes offensés,
ainsi que nos enfants au ventre ballonné, aux membres décharnés et aux
regards écarquillés, comme surpris par l'horreur et l'hypocrisie qui
caractérisent l'ordre du monde. Les images insupportables du Darfour,
qui ont été largement diffusées pendant le dernier sommet du G8 à
Heiligendamm (Allemagne), rappellent étrangement celles des victimes de
la famine au Niger qui l'ont été tout autant en 2005, juste avant et
pendant le sommet du même G8 à Gleneagles (Écosse). L'Afrique est
assurément en danger lorsque la droite libérale et décomplexée rejoint,
la main sur le coeur, le G8 en plaidant pour le Darfour alors que la
chasse aux Noirs bat son plein au nom de l'immigration choisie.
L'Afrique n'est pas dans l'impasse pour avoir refusé de s'ouvrir à
l'économie mondiale à laquelle sa participation en termes relatifs, est
plus importante que celle des autres régions mais pour l'avoir subie
depuis le commencement. Le scandaleux dossier des subventions
américaines et européennes à leurs cotonculteurs et la manière dont
l'Union Européenne veut arracher aux pays ACP des accords de
partenariat économique qui les fragilisent prouve que pour gagner, les
pays riches doivent tricher et sur toute la ligne.
Le FMI et la Banque mondiale se trompent sans arrêt de solutions et
s'autopardonnent; la France et les autres membres du club des riches
font semblant de s'indigner devant les victimes du Darfour alors qu'il
s'agit du contrôle du pétrole face à une Chine boulimique et
décomplexée, elle-aussi, quant à la bonne gouvernance, selon les règles
de l'Occident.
Pourquoi les mêmes puissances mondiales n'ont pas réagi avec le même
compassion face aux millions de morts et de déplacés des guerres de la
Région des Grands lacs? Et pourquoi ne viennent-ils pas immédiatement,
avec les moyens financiers et technologiques requis au secours des
centaines de millions de jeunes, qui d'un bout à l'autre du continent,
sont éjectés des économies locales et nationales au nom de la rigueur et
de la compétitivité. S'ils étaient sincères et cohérents dans ce
qu'ils disent et font, les flux migratoires africains s'estomperaient.
La quasi-totalité des candidats africains à l'émigration légale et
illégale, ne songeraient pas à quitter leurs pays si, au lieu des
fausses annulations de dette du G8 et des conditionnalités, l'Afrique
enregistrait des efforts substantiels sans chantage et sans ingérence
aucune.
3. Que dire du fameux codéveloppement ?
Le codéveloppement peut être résumé dans les circonstances actuelles
comme la touche d'humanité sur laquelle comptent les artisans de
l'immigration choisie, à la fois pour freiner les départs, pour
favoriser le retour de ceux qui se laissent convaincre, leur
participation au développement de leurs pays d'origine. L'approche
sécuritaire et l'approche développementaliste sont ainsi appelées à
faire bon ménage. N'est-ce pas effarant de constater ainsi qu'un
simple colmatage de brèches, assorti d'un accompagnement institutionnel
plus ou moins probant, devienne, en l'absence d'un bilan rigoureux des
résultats acquis, une porte de sortie à un drame humain d'une si grande
ampleur? Je suis littéralement ahurie quand j'apprends qu'il s'agit
d'étendre à tous les pays de l'Afrique subsaharienne, des projets du
type de ceux qui sont mis en œuvre au Mali. Car, j'ai beau regarder
autour de moi, je ne vois rien de pertinent et de convaincant, de nature
à retenir les jeunes candidats au départ, ou les 1700 cobayes qui,
depuis 1995, ont participé au codéveloppement. J'ai plutôt
l'impression qu'il s'agit d'une tentative de détournement du projet
migratoire de son objectif initial qui, pour la grande majorité des
migrants, est l'aide à leurs familles. La pertinence du concept
tiendrait au fait que les migrants eux-mêmes se sont investis depuis les
années 60 dans des actions de développement de leurs localités et pays
d'origine.
Le codéveloppement serait un progrès parce qu'il innoverait en
rentabilisant davantage l'argent des migrants par le truchement de
l'investissement productif. Rien n'est moins certain tant que l'on
n'aura pas desserré l'étau de la dette extérieure, des
conditionnalités des bailleurs de fonds et dénoncé le caractère déloyal
du commerce mondial. À qui les jeunes candidats à l'immigration ou des
migrants de retour vendront-ils quand les marchés sont inondés de biens
subventionnés venus d'Europe et d'ailleurs, auxquels il faut ajouter
les produits chinois bon marché.
Si le codéveloppement n'est que leurre et la coopération au
développement un pillage, la perspective d'expulser 25 000 personnes
par an dans des pays ruinés par le système néolibéral est plus
qu'inquiétante. Les pays riches sont certainement libres de se
barricader et de ne pas accueillir la misère du monde pourvu qu'ils ne
contribuent pas à la secréter et à l'aggraver en amont par leur
comportement de prédation et de sabotage de processus de démocratisation.
Puissent les électeurs et électrices de France et des autres pays
européens piégés par le discours alarmiste des combattants de
l'immigration clandestine se souvenir, au moment de glisser leur
bulletin dans l'urne, que l'ennemi africain - arabo-musulman et
subsaharien - est une construction politique. Qu'ils se souviennent
surtout que leur vote engage également notre destin.
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3.- MEMORANDUM DU ROPPA, DE LA CPF ET DES ORGANISATIONS DE LA SOCIETE
CIVILE DU BURKINA SUR L’INTEGRATION REGIONALE ET LES NEGOCIATIONS POUR
L’APE
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Confédération paysanne du Faso :
http://www.liberationafrique.org/spip.php?article1781%22=%22
ROPPA: http://www.roppa.info/
En marge de la réunion de la CEDEAO qui s’est tenue à Ouagadougou,
Burkina Faso, le Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs
Agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), la Confédération Paysanne du
Faso, en collaboration avec des organisations de la société civile du
Burkina Faso (Association Pour le Développement de la Jeunesse en
Afrique (ADJA), La ligue des consommateurs du Burkina...) organisaient
du 30 mai au 04 juin 2007 des activités visant à informer l’opinion
publique et interpeller les autorités nationales et régionales (UEMOA,
CEDEAO) sur leurs interrogations et inquiétudes concernant le processus
d’intégration régionale, les politiques agricoles et commerciales
régionales et les négociations des APE avec l’UE. Une marche des
producteurs a mobilisée ce jour 1er juin environ 2000 paysans et acteurs
de la société civile. A l’issue de la marche, le président du Comité
Exécutif du ROPPA, monsieur N’Diogou FALL, a remis au Secrétaire Général
du Ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources
Halieutiques, représentant le ministre, un mémorandum pour transmission
aux autorités régionales, notamment à Blaise COMPAORE, Président du
Faso, Président en exercice de la CEDEAO.
L’Afrique de l’ouest entre progressivement avec la saison des pluies,
dans un nouveau cycle de production. Nous prions Dieu (Allah) pour que
l’hivernage soit fécond et que la paix règne partout afin que nos
agricultures puissent assumer leurs fonctions cardinales qui sont de
nourrir les populations, créer des richesses, gérer l’Environnement et
transmettre les valeurs des sociétés agraires !
Après 35 ans d’affirmation de la volonté politique de se constituer en
une entité économique unique, avec la mise en place en janvier 2007 de
la Commission de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de
l’Ouest (CEDEAO), le processus d’intégration régionale de l’Afrique de
l’ouest entre enfin dans une phase décisive. Mais les écueils sont
nombreux et des conditions sont encore à remplir.
Reste, en effet à lui donner les chances de se consolider et d’atteindre
les objectifs pour laquelle elle a été voulue : marché régional,
réduction de la dépendance alimentaire et de la pauvreté, développement
économique et sociale, épanouissement de ses populations, …Reste aussi à
lui donner encore plus de légitimité, en renforçant le dialogue entamé
entre les institutions d’intégration régionale que sont la CEDEAO et
l’UEMOA avec l’ensemble des acteurs, sur tout ce qui va toucher de près
et même de loin les citoyens.
Comme le dit un vieil adage africain « on ne taille pas le bonnet du
phacochère en son absence ». C’est pour cela, qu’à l’occasion de la
réunion de la Commission de la CEDEAO à Ouagadougou, nous, membres du
réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs Agricoles de
l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), de la Confédération Paysanne du Faso (CPF)
et des Organisations de la Société Civile du Burkina, avons convenu de
réaffirmer notre profond attachement à l’intégration régionale mais
aussi d’exprimer nos interrogations sur le cours actuel du processus
d’intégration régionale. C’est pour cela que nous avons adopté le
présent mémorandum dans lequel nous réaffirmons que « nous ne pouvons
nous tromper nous même » comme l’a indiqué notre doyen Mamadou Cissokho
dans la préface du Mémorandum du ROPPA sur la Politique agricole de
l’UEMOA en octobre 2001.
MEMORANDUM
Convaincus que l’intégration économique régionale reste la seule voie
pour l’Afrique de l’Ouest de créer les conditions favorables au
développement économique et sociale, à l’épanouissement de ses
populations et la conquête d’une place honorable dans la construction
d’un monde de solidarité, d’équité et de justice sociale et économique.
Convaincus que la base et le moteur de l’intégration régionale est une
agriculture moderne centrée sur les exploitations familiales et orientée
vers la réalisation de la souveraineté alimentaire et
l’approvisionnement d’un marché régional dynamique ;
Convaincus que la réalisation de la souveraineté alimentaire de la
sous-région est le socle sur lequel devra se construire le marché commun
en vue de résoudre les problèmes récurrents d’insécurité et de
dépendance alimentaires, de pauvreté rurale, d’exode massif des jeunes,
de désertification des terroirs et de dégradation des ressources
naturelles ;
Considérant que la politique régionale de la CEDEAO (ECOWAP) et le plan
d’action du volet agricole du NEPAD représentent la vision partagée par
tous les acteurs de la sous –région, pour le développement du secteur
agricole, la réduction de la dépendance alimentaire et le développement
d’un marché régional des produits agricoles et agroalimentaires locaux ;
Considérant l’appel du forum régional de Niamey sur la Souveraineté
alimentaire de l’Afrique de l’ouest pour l’élaboration d’une charte
régionale sur la souveraineté alimentaire ;
Constatant la non application des décisions et engagements pris par les
chefs d’Etat aux niveaux sous régional, continental sur le développement
du secteur rural (Maputo, 2003 ; Abuja1 2006, Objectifs du Millenium,
NEPAD, ECOWAP ….)
Constatant que les politiques libérales mises en place dans le cadre des
programmes d’ajustements structurels et qui se reflètent dans le
démantèlement des services d’appui aux producteurs et l’adoption par
l’UEMOA d’un Tarif Extérieur Commun (TEC) très bas se sont traduites par
une dépendance alimentaire et une pauvreté rurale plus accrues ;
Constatant que les négociations d’un Accord de Partenariat Economique
(APE) s’inscrivent également dans le cadre de la libéralisation dont les
conséquences ont été désastreuses pour nos économies nationales et pour
les producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest ;
Préoccupés par l’application à l’ensemble des pays de la CEDEAO du TEC de
l’UEMOA qui a été inefficace pour stimuler la production agricole et les
échanges intra-régionaux, réduire la dépendance alimentaire et stopper
la perte de devises pour l’importation de produits alimentaires ;
Préoccupés par les conséquences désastreuses potentielles de la création
d’une zone de libre échange avec l’Union Européenne sur la réalisation
de la souveraineté alimentaire, la création d’un marché commun et le
développement de nos secteurs productifs, notamment agricoles et
agroindustriels, au stade actuel du développement économique et
d’intégration de l’Afrique de l’Ouest ;
Préoccupés par la baisse de revenu des producteurs et l’aggravation de la
pauvreté en milieu rural et plus particulièrement par la situation des
producteurs de coton du fait de la baisse d’année en année du prix au
producteur et du renchérissement du prix des intrants dues à des
politiques injustes et déloyales.
Nous, membres du Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs
Agricoles de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA), de la Confédération Paysanne
du Faso et des Organisations de la Société Civile du Burkina,
Soutenons
1. La décision des Chefs d’Etat de transformer la CEDEAO en un véritable
instrument d’intégration avec la mise en place depuis janvier 2007 d’une
Commission aux pouvoirs et prérogatives étendus.
Exigeons des gouvernements, de la CEDEAO et de l’UEMOA
2. L’accélération de la mise en œuvre des politiques agricoles régionales
(ECOWAP, PAU) et du PDDAA/NEPAD à travers l’adoption de mécanismes
innovants de financement des investissements structurants, de
stabilisation des revenus, de protection sociale et d’assurance face aux
calamités naturelles pour les exploitations familiales agricoles.
3. L’adoption de mesures de protection aux frontières régionales et des
mesures de sauvegarde qui restent les seuls instruments efficaces pour
assurer le développement d’un marché régional pour les produits agricole
et agroalimentaires locaux ;
4. L’adoption, notamment d’un TEC avec une 5ème bande dont le taux est au
moins équivalent aux droits de douane notifiés à l’OMC par les Etats
d’Afrique de l’Ouest ;
5. L’application effective des dispositions légales sur la libre
circulation des personnes et des biens, les droits de résidence et
d’établissement et la levée des multiples obstacles administratifs ou
informels freinant les échanges transfrontaliers au sein de l’espace
CEDEAO.
Exigeons des administrations et institutions en charge des négociations
sur les accords commerciaux
6. De ne pas signer l’APE avec l’Union Européenne tant que les préalables
suivants ne sont pas effectivement remplis :
a. La réalisation effective de l’intégration régionale à travers la mise
en place effective et vérifiable de tous les instruments dont l’Union
douanière, l’Union monétaire et ;
b. La réalisation d’un marché commun véritable fondé sur les préférences
régionales, avec un niveau acceptable d’échanges intrarégionaux pour les
produits agricoles et agroalimentaires ;
c. Un régime commercial asymétrique et équitable, tenant compte des
impératifs d’intégration et de développement de la région.
d. Une ouverture modulée et régulée à une hauteur maximum de 50% des
échanges ; cette ouverture ne peut en aucun cas concerner la liste des
produits stratégiques arrêtée par la région ;
e. Le report de 3 ans de la date de signature de l’APE, comme demandé
par la CEDEAO ;
f. Une période de transition suffisamment longue pour consolider
l’intégration régionale et réaliser les objectifs de ECOWAP notamment en
ce qui concerne la réalisation de souveraineté alimentaire ;
g. l’aboutissement des négociations multilatérales à l’OMC pour le Cycle
de Doha.
7. De lancer, sans délai, le processus participatif de détermination
d’une liste de produits spéciaux et stratégiques à soustraire de tout
accord commercial y compris l’APE, avec la méthode convenue par les
acteurs de la région lors de l’atelier de Ouagadougou de janvier 2007 ;
8. L’organisation de véritables débats démocratiques aux niveaux local,
national et régional sur les enjeux et les défis de l’intégration
régionale et des règles commerciales de l’OMC et l’APE qui vont avoir
des conséquences certaines sur nos terroirs, nos agricultures et notre
partenariat avec le reste du monde pour une très longue période .
Exigeons des gouvernements
9. Le respect des engagements librement consentis par les Chefs d’Etats
africains à Maputo, notamment d’allouer, au moins, 10% du budget
national au financement de l’agriculture (y compris l’élevage, la pêche
et la foresterie) et de mettre en œuvre des programmes concertés avec
les acteurs permettant d’atteindre au moins 6% de taux de croissance
agricole équitablement partagé et dont les bénéfices financeront la
Promotion de l’Economie rurale.
Exhortons les Organismes de Coopération régionale et aux Etats à œuvrer
pour que :
10. Le processus de révision de la charte de l’aide alimentaire soit une
occasion pour l’Afrique de l’Ouest de se doter d’une véritable charte de
la souveraineté alimentaire dans laquelle elle réaffirmera sa ferme
volonté d’assurer la sécurisation alimentaire et nutritionnelle pour
tous, sur la base des potentialités agroécologiques, les échanges
intra-régionaux et les valeurs culturelles de la région,
Réaffirmons
11. Notre solidarité et notre soutien sans faille aux cotonculteurs du
Burkina et des autres pays d’Afrique de l’ouest pour la juste lutte
qu’ils mènent pour la reconnaissance de leur droit de vivre dignement du
fruit de leur travail ;
12. Notre soutien à l’initiative sectorielle sur le coton du groupe des 4
(Bénin, Burkina, Mali et Tchad) et exhortons les négociateurs africains
de ne signer aucun accord à l’OMC tant que le problème du coton n’a pas
trouvé une solution définitive et acceptable pour les producteurs
africains ;
Réitérons
13. Notre engagement à œuvrer pour la transformation de nos systèmes de
production en vue de la réalisation des objectifs du Millenium pour le
développement, notamment l’atteinte de 6% pour le taux de croissance
agricole ;
14. Notre détermination à nous mobiliser, nous concerter et engager un
dialogue avec les autorités régionales et nationales et tous les autres
groupes d’acteurs de la sous-région pour la réalisation de l’intégration
régionale et la mise en œuvre des politiques sectorielles notamment
agricoles et environnementales ;
15. Notre détermination à utiliser tous les moyens légaux de pression
pour faire prendre en compte les intérêts des exploitations familiales
dans les politiques économiques, les accords commerciaux et les mesures
relatives à l’intégration régionale
Fait à Ouagadougou, le 31 Mai 2007
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4.- CRISE ECOLOGIQUE
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"La crise écologique est l’expression d’un système économique qui
promeut le gaspillage et vise à maintenir les privilèges". Entretien
avec Hervé Kempf
Article de l’Observatoire des inégalités (http://www.inegalites.fr), 19
juin 2007
Hervé Kempf est l’auteur de "Comment les riches détruisent la planète",
Ed Seuil 2007.
La crise écologique est le résultat d’un système économique qui favorise
les intérêts des plus aisés, la surconsommation et le gaspillage.
En quoi la montée des inégalités a-t-elle des conséquences sur
l’environnement ?
La crise écologique est l’expression d’un système économique qui promeut
le gaspillage et vise à maintenir les privilèges et les intérêts de
l’oligarchie aujourd’hui dominante. Celle-ci est à la fois plus riche
que jamais dans l’histoire récente, et irresponsable : elle surconsomme
et ne se préoccupe pas vraiment de la situation, dont elle minore la
gravité. Je m’appuie pour étayer cette analyse sur le travail de
l’économiste Thorstein Veblen, de la fin du XIXe siècle. Veblen
expliquait que la consommation, une fois les besoins réels satisfaits,
vise surtout à marquer le prestige, à manifester un statut supérieur par
rapport à ses congénères, à se distinguer. Ce qui est vrai entre
individus l’est aussi entre classes, et tout groupe social tend à imiter
les mœurs du groupe situé au-dessus de lui dans l’échelle sociale. La
classe la plus riche fixe ainsi les normes du « savoir-vivre ». Quand
celle-ci définit la dilapidation comme la norme, elle présente un modèle
culturel destructeur que toute la société cherche à imiter. Plus
d’inégalités signifie ainsi une classe d’hyper-riches qui instaure un
modèle d’hyper-gaspillage. Nous sommes dans cette situation.
En quoi l’évolution de notre environnement a-t-elle un impact en termes
d’inégalités ?
Symétriquement, la dégradation de la biosphère générée par ce modèle se
traduit par des conséquences qui pèsent d’abord sur les plus pauvres :
ce sont les paysans du Sahel ou du Bangladesh qui subissent
prioritairement l’effet du réchauffement climatique, ce sont les
populations dépendant le plus des écosystèmes qui éprouvent d’abord la
perte de la biodiversité, ce sont les classes les plus pauvres, dans
toutes les sociétés, qui se nourrissent des aliments les plus
industriels donc les plus néfastes, et qui subissent prioritairement les
pollutions urbaines. Inversement, les riches peuvent se protéger des
dégâts infligés à l’environnement, en se retranchant de la société dans
des quartiers ou des résidences protégées et climatisées, en
s’alimentant de produits de qualité, en s’assurant une eau pure. La
qualité environnementale du milieu de vie est de plus en plus un
marqueur de l’inégalité, qui ne se mesure pas seulement par des données
sur le revenu et sur le patrimoine, mais peut aussi s’observer
concrètement dans les modes de vie.
Comment peut-on rester « optimiste » ? Quels contre-pouvoirs existent ou
peuvent se former ?
Bien sûr, on peut rester optimiste. D’abord, parce que nous commençons à
avoir un diagnostic clair de la situation, par l’articulation nette de
la question sociale et de la question écologique. Leur dissociation
handicapait le mouvement social en le divisant. Il va maintenant pouvoir
s’unir dans une compréhension commune des deux aspects de la crise
globale de notre époque. Ensuite parce que cette analyse dessine une
politique. La crise écologique découle d’une pression trop forte sur la
biosphère, d’un excès de consommation des ressources. Il faut réduire
cette consommation matérielle, et le faire dans la justice à l’égard des
plus pauvres : consommer moins pour répartir mieux. Les classes moyennes
ne l’accepteront que si le modèle présenté par l’oligarchie est dissous,
et si l’oligarchie voit décroitre bien davantage sa propre consommation.
Cela permettra aussi un transfert de ressources vers des usages sociaux
et écologiques, et une baisse réelle des inégalités. Mais bien sûr, tout
ceci ne peut se faire que si la gauche se reforme, en s’appuyant sur les
mouvements écologiques et altermondialisation qui ont permis d’élaborer
cette nouvelle critique, mais aussi en renouant avec les classes
populaires. Cela suppose une « modernisation » - non pas d’adaptation au
modèle néo-libéral, mais au contraire en replaçant la question sociale
au cœur des préoccupations, et de façon indissociable de la crise
écologique. Si nous parvenons pas à cette renaissance de la gauche, si
ses appareils institutionnels se laissent engluer dans l’acceptation des
cadres posés par le capitalisme, alors nous pourrons être pessimistes.
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5.- LE FSM : FACE AUX DEFIS, DE NOUVELLES REPONSES
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par Cândido Grzybowski, Sociologue, directeur de Ibase
Traduction : Ghislaine Balland, http://coorditrad.attac.org
Après sept grandes rencontres – la dernière à Nairobi, au Kenya, en
janvier de cette année – le FSM a le vent en poupe. Les initiatives
inspirées de ce qui est maintenant considéré comme la méthode du forum,
se multiplient. Les forums locaux, nationaux, régionaux et thématiques
sont tellement nombreux et dispersés dans le monde entier, que se fait
sentir le besoin d’une sorte de carte du monde qui pointerait ce dont
la citoyenneté planétaire émergente est capable. Mais, il est évident
que beaucoup reste encore à faire.
Des régions entières – l’Est de l’Europe, l’Asie profonde, la Chine, le
Sud Est Asiatique, le Moyen-Orient et le monde arabe – doivent encore
être inclues dans l’onde citoyenne qui affirme que d’autres mondes sont
possibles. Et, pire encore, la globalisation au service des grandes
corporations semble avoir la vie dure. Nous sommes confrontés à toujours
plus de concentration de richesses, toujours plus d’exclusion sociale et
d’inégalité, basées sur une logique de violence, de guerre et de
destruction de l’environnement. La réponse du FSM, surtout sa clameur,
se doit d’être plus forte.
Du 29 au 31 mai – alors que les gouvernements membres du G-8, se
considérant comme les gestionnaires du monde, se préparaient à une de
leur réunion semestrielle, dans ces lieux distants, murés et protégés
par des milliers de policiers – le Conseil International du FMS s’est
réuni à Berlin. A l’ordre du jour, il y avait, tout d’abord,
l’organisation des Journées de Mobilisation de Janvier 2008 et
l’événement central du FSM de 2009. Par ailleurs, des thèmes comme
l’évaluation du processus d’organisation et la définition des
orientations de base des événements du Forum, tout comme la question de
leur contribution ainsi que le fonctionnement même du Conseil
International, ont exigé beaucoup d’efforts. La Réunion, a été dense et
tendue, mais les résultats sont très encourageants.
La discussion sur les Journées de Mobilisation a débuté par la
réaffirmation de leur importance stratégique. Présent dans de nombreux
endroits et de nombreux pays, animé par des dynamiques diverses, le FSM
a besoin de montrer son profond enracinement local. C’est pour cette
raison que décision a été prise d’organiser un forum complètement
décentralisé, qui affichera les couleurs et les désirs des participants
en partant du lieu où ils vivent et de leur engagement dans la
construction d’autres mondes.
L’idée est d’avoir, en janvier 2008, autour des dates du Forum de Davos,
un FSM à chaque endroit où des citoyens pourront en prendre
l’initiative. Ce peut être sous la forme de forums locaux, nationaux,
thématiques ou sous la forme de conférences, de séminaires, de
manifestations, de promenades, d’événements culturels et de shows. En
même temps, il est fondamental de le faire de façon à ce que ces
initiatives aussi différentes et autonomes forment une toile, un vrai
réseau articulé. D’où le choix d’un jour de convergence de ces diverses
initiatives dans le monde – le 26 janvier 2008 –. L’important étant de
construire une référence de communication commune, qui relie tout et
montre en direct ce qui se passe dans le monde entier, afin de créer le
sens d’une appartenance à ce fantastique mouvement de citoyenneté.
Des mobilisations sont déjà en cours de préparation. Il y a un processus
encourageant qui se fait jour dans toute l’Afrique après l’impulsion
générée par le FSM de Nairobi. En Italie, de nombreuses entités et
mouvements s’articulent pour préparer une grande manifestation. En
France, s’appuyant sur la diversité des forums locaux, une mobilisation
spéciale pour le mois de janvier 2008 est en cours de préparation. En
Amérique Latine, les Rencontres Hémisphériques Contre l’Alca, l’Alliance
Sociale Continentale et le Conseil Hémisphérique du FS des Amériques,
travaillent déjà ensemble afin de garantir une ample mobilisation. En
Colombie un grand événement se prépare pour le 26 janvier à Bogota.. Le
prochain Forum Social des Etats-Unis, à Atlanta, du 27 au premier
juillet de cette année, nous donnera l’occasion de définir des
stratégies pour les mouvements et les organisations nord-américaines. La
préparation d’une conférence du FSM à New York est déjà en cours, elle
aura pour thème, le type de démocratie, au plan mondial, dont la
naissance de la citoyenneté planétaire a besoin.
A Rio de Janeiro, nous sommes entrain de nous mobiliser pour le grand
show dans le Parc du Flamengo, le soir du 26 janvier, avec une journée
entière consacrée aux activités culturelles, qui exprimeront la
diversité vivante de cette ville. Rio nous invite pour qu’un autre monde
soit possible. Mais nous avons besoin de beaucoup plus. Nous voulons
quelque chose qui fortifie les processus locaux, qui enracine encore
plus le FSM et qui génère un grand impact dans l’espace public. C’est
pourquoi, le Conseil a décidé de lancer un grand appel à la mobilisation
pour le FSM du mois de janvier 2008. En annexe, vous pourrez trouver
l’appel dans son intégralité, ouvert à l’adhésion de tous les
mouvements, de toutes les entités et de tous les réseaux. Montrez votre
adhésion en signant aussi cet appel !
Quant à 2009 et au déroulement futur du FSM, deux décisions importantes
ont été prises. La première réaffirme la réalisation d’un événement
centralisé en janvier 2009. Comme lieu, c’est la région de l’Amazone qui
a été choisie, pour tout ce qu’elle signifie en matière de changement
climatique mais aussi parce qu’elle regroupe presque tous les pays de
l’Amérique du Sud. Le siège probable sera à Belém, au Brésil, mais ceci
sera confirmé lors de la prochaine réunion du Conseil dans cette ville à
la fin du mois d’octobre et au début du mois de novembre de cette année.
La deuxième décision concerne la réalisation, au début de 2008, juste
après les Journées de Mobilisation, d’une réunion du CI en forme de
séminaire en vue d’un débat ouvert et profond sur la situation politique
globale et sur le rôle du FSM, ses événements et les nécessités de sa
tenue. Cette réunion aura lieu en Afrique.
En tant que participant à cette aventure, depuis les premières
discussions en 2000 et le premier FSM en janvier 2001 à Porto Alegre, je
me sens porté par sa dynamique face à une réalité qui présente,
systématiquement, des défis nouveaux et perturbateurs. Nous sommes
entrain de démontrer notre capacité à ne pas baisser les bras devant ces
défis et à toujours nous rénover, en présentant des réponses plus amples
et plus incisives. Cela vaut la peine de croire en une citoyenneté
active.
***********************************
coorditrad@attac.org est l’adresse du secrétariat de l’équipe des
traducteurs internationaux qui nous font bénéficier bénévolement de
leurs compétences. Vous aussi vous pouvez participer. Il suffit d’aller
sur le site http://coorditrad.attac.org et de répondre au questionnaire
d’inscription.Le travail de traduction est basé sur le volontariat et ne
vous engage pas à répondre à toutes les demandes. Vous travaillez à
votre rythme et en fonction de vos centres d’intérêt."
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